Pays de Savoie
Aiguille Verte, Aiguille du Midi... Avant la Maurienne, les chutes de pierres se sont multipliées sur les pentes du Mont Blanc. La plus importante, 20 000 m3, a dégagé un nuage de poussière qui s'est propagé jusqu'à la Vallée de Chamonix. Si le phénomène a surpris touristes et habitants, il s'explique facilement et sera de plus en plus fréquent à l'avenir.
Si les éboulements d'un tel volume étaient encore rares il y a quelques décennies, ils frappent désormais de plus en plus souvent nos massifs savoyards.
"Même si notre science est récente, on a rapidement fait le lien entre ces chutes de pierres et le réchauffement climatique" explique Ludovic Ravanel, géomorphologue (chercheur qui étudie les sols et les reliefs) et directeur de recherche pour le laboratoire EDYTEM du CNRS et de l'USMB. "Avec la chaleur, il y a une dégradation du permafrost, ce terrain gelé en permanence et qui faisait office de ciment".
Et si la canicule de cet été 2023 a favorisé le processus, les massifs alpins piochent, en réalité, dans leurs réserves depuis le début des années 2000 et les premiers épisodes de fortes chaleurs.
À la faveur d'une augmentation constante des émissions de gaz à effet de serre, les températures grimpent et nous grignotons, années après années, le liant qui maintient en place les roches de nos massifs, un constat implacable aux conséquences irrémédiables.
"Ce qui est perdu, est perdu" regrette Ludovic Ravanel. "Même avec des hivers froids, nous ne pouvons pas recréer le permafrost. Au mieux, nous pouvons freiner le processus en réduisant notre impact sur l'environnement".
Le train est en marche et laisse d'importants stigmates sur les pentes de nos sommets. Pire, dans le futur, les éboulements vont se multiplier et s'intensifier.
"Dans les massifs qui n'ont plus de permafrost, le phénomène sera moindre, c'est le cas de Belledonne par exemple" détaille le directeur de recherche. "Mais dans les massifs du Mont Blanc, des Ecrins ou de la Vanoise, entre autres, on verra dans les 10 ans à venir, des éboulements plus fréquents, avec d'importants volumes de pierres. On a montré que les plus gros événements étaient à venir, pour les prochaines années".
Sans être défaitistes, les scientifiques -français et suisses- appellent à une prise de conscience du phénomène "ne serait ce que pour des raisons de sécurité". Ludovic Ravanel, se dit prêt à travailler avec élus locaux, les gestionnaires de remontées mécaniques pour mieux comprendre et s'adapter à ces événements futurs.
En Maurienne, un autre scenario.
Contrairement au Pays du Mont Blanc, en Maurienne, l'effondrement qui s'est produit en début de semaine n'est pas directement lié au dérèglement climatique. Dans cette zone de basse altitude, le permafrost a disparu, il y a des dizaines de milliers d'années. Ce sont vraisemblablement les fortes pluies de ces derniers jours qui ont causé la chute de 10 000 m3 de roche. De plus, la zone avait déjà été le théâtre d'autres effondrements par le passé. Un terrain fragile où "ce serait tombé un jour ou l'autre" assure l'ONF.
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