Par son ampleur et ses conséquences, la pandémie de coronavirus incite à repenser le monde dans lequel nous vivons. Et à imaginer le monde d'après : quel équilibre entre relocalisations et mondialisation ? Quelle régulation écologique au niveau mondial ? La crise fait apparaître combien les enjeux sociaux et environnementaux sont liés.
Plusieurs consultations citoyennes ont été lancées ces derniers jours. La Croix-Rouge et le WWF ont ainsi lancé "Crise Covid-19 : inventons ensemble le monde d'après" avec Make.org et le Groupe SOS. Depuis son ouverture le 11 avril, cette consultation sur la façon d’inventer la société de demain a déjà enregistré les votes et propositions de plus de 50.000 participants. La synthèse des réponses sera publiée dans un mois : "À l'issue de la consultation on va voir émerger les solutions sur lesquelles les citoyens veulent d'engager", explique Alicia Combaz, la co-fondatrice de Make.org.
Parmi les sujet qui préoccupent les participants, "la relocalisation des productions qui sont jugées essentielles", comme les médicaments, les vaccins ou les denrées agricoles. Mais comment relocaliser sans céder à la tentation du repli sur soi et de la démondialisation ? "Dire qu'on va démondialiser c'est une absurdité dont il faut se prémunir très vite parce que cela nous conduirait à une impasse ! prévient Bertrand Badie, qu'est-ce qu'on va faire ? On va interdire aux avions de voler ? On va abolir les échanges humains, économiques sociaux qu'il y a à l'intérieur de la planète ? On va abolir internet ? Tout ça est absurde..." La tentation du repli nationaliste doit donc être dépassée, car "une addition de politiques nationales est quelque chose non seulement d'inefficace mais contre-productif".
Crise climatique et crise sanitaire "ont des sources communes", assure Corinne Le Quéré, la présidente du Haut conseil pour le climat (HCC). Et par "sources communes", elle entend les "pressions" que nous exerçons "sur les milieux naturels", telles que la déforestation ou les émissions de gaz à effet de serre. Le HCC vient justement de publier son rapport "Climat, santé: mieux prévenir, mieux guérir", dans lequel il formule 18 propositions pour tirer des leçons de l’épidémie de coronavirus.
"Il est fondamental aujourd'hui d'être dans des appoches où on réconcilie les enjeux sociaux et environnementaux." Pour Damien Barchiche, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddi), "il faut simplement revenir aux fondamentaux que la communauté internationale avait adopté en 2015, l'accord de Paris sur le climat mais aussi l'Agenda 2030, auquel tous les pays de la planète ont souscrit en 2015".
L'enjeu pour le monde qui vient est dans la façon dont va "organiser le global". "La mondialisation demande simplement à etre aménagée, accompagnée, encadrée, normée", estime Bertrand Badie. Selon lui, la crise que nous vivons actuellement montre que l'on a réduit la mondialisation à un aspect purement économique, sans avoir régulé les autres aspects de la mondialisation.
Les États n’auront pas d’autre choix que de coopérer ensemble - d'ailleurs, "lorsqu'ils sont contraints et forcés, ils font le travail", observe Bertrand Badie. Reste à savoir quelle puissance mondiale pourrait prendre la tête de cet élan globalisé : pour Damien Barchiche, "on souffre de l'absence de champion du Développement durable au niveau international". Qui donc pour assumer ce rôle : l'Europe et son Green Deal ? Ou bien les pays d'Amérique latine, à l'origine de l'Agenda pour le Développement durable ? Ou encore la Chine, qui s'est elle-même positionnée comme championne du multilatéralisme et dont l'économie est étroitement dépendante du reste du monde ?
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