C'est une figure spirituelle qui a compté dans mon cheminement et qui reste indéniablement actuelle. Face à une actualité que l’on qualifiera volontiers de "mouvementée" entre l’Ukraine, les problèmes écologiques et sociaux et ce que chacun et chacune peut avoir comme ennuis personnels. Cette figure c’est Etty Hillesum. Juive hollandaise née en 1914, elle sera notamment professeure de russe, se passionnera pour Dostoïevski, Rilke ou Jung. Dans son journal "Une vie bouleversée", elle témoigne d’une sagesse que j’invite chacun, chacune, à (re)découvrir.
Etty Hillesum a une histoire indissociable de la déportation en 1943. Déportée volontaire au camp de Westerbork alors qu’elle aurait pu y échapper, elle conte page après page les profondeurs noires de l’humanité et son cheminement spirituel. Elle écrit face à cela que : "C’est tout ce qu’il est possible de sauver en cette époque et c’est la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres." Sauver notre part spirituelle en nous-mêmes, oui, voilà un beau défi !
Etty vous répond : "Nous avons tant à changer en nous-mêmes que nous ne devrions même pas nous préoccuper de haïr ceux que nous appelons nos ennemis... Je ne crois pas du tout à cette prétendue méchanceté... Mais que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres, [ce que l’on perçoit] comme une saloperie chez les autres est aussi en nous. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il ne l’est déjà."
Si on lui demande s’il s’agirait d’un retour au christianisme elle répond, elle, juive en chemin : "Mais oui, le christianisme : pourquoi pas ?... Il m’arrive de te demander mon Dieu ce que tu veux de moi… mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ?... Quand on veut avoir une influence sur les autres il faut s’attaquer sérieusement à sa morale personnelle."
Avec Etty, dans un monde où tout est politique, tout est aussi spirituel. Pas d’action concrète sans politique. Pas même, j’en suis convaincu, un seul choix d’envergure sans une dimension politique car nous ne sommes rien sans les autres, sans ce que le monde a fait de nous.
L’écologie par exemple est par définition politique au sens que rien ne se fera sans collectif, tout comme l’éradication de la misère. Mais Etty montre que tout est aussi spirituel, cheminement, erreurs, détours, tentatives ratées d’aimer jusqu’à y arriver un jour si l’on s’en donne la peine.
Comme écrivait celle qui voulait être un "baume sur tant de plaies" : "Je trouve la vie belle et je me sens libre... Je crois en Dieu et je crois en l’Homme, j’ose le dire sans fausse honte en l’an de grâce, oui de grâce 1942." Si Etty a pu estimer que 1942 est une année de grâce, pourquoi ne pourrions-nous pas nous munir de la même espérance, de la même force intérieure en 2023 ?
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