Je vais encore vous parler de la réforme des retraites. Ce n'est pas parce que les deux motions de censure déposées par les oppositions ont été rejetées, lundi, à l'Assemblée, que l'affaire est pliée. À l'Élysée et dans le monde merveilleux de la macronie, on tient à se persuader du contraire. On fait mine de croire que la conclusion est proche, et que c'est une victoire. Bof, bof, bof…
Hier, Emmanuel Macron a réuni ses troupes en son palais. Les chefs des partis et les présidents de groupe de la majorité présidentielle le matin, autour d'Élisabeth Borne et de quelques ministres. Le midi, entrevue avec la présidente de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Le soir, réunion des parlementaires Renaissance, Horizons et Modem.
Et qu'est-ce que le président leur a dit ? Que tout n'allait pas si mal. Que le texte de la réforme des retraites, contrairement à ce qu'affirment les syndicats et les oppositions, n'a rien d'illégitime. Il a certes été adopté par le truchement du 49.3, mais c'est la faute des Républicains, ces faux-jetons qui ne tiennent pas leurs troupes.
Les blocages, les manifestations sauvages, les permanences parlementaires attaqués et les élus menacés ? On a vu pire, ça passera. L'impossibilité de constituer une majorité pour continuer à faire la loi et gouverner ? On trouvera bien une solution.
Emmanuel Macron ne lâchera rien. Ni Élisabeth Borne, qui n'est pas priée de démissionner ; ni le gouvernement, qu'il n'est pas question de remanier ; ni l'Assemblée, dont la dissolution n'est pas à l'ordre du jour ; ni la réforme des retraites, qui ne sera pas retirée. Et non, le président ne consultera pas les citoyens par référendum sur le sujet. Fermez le banc !
Je doute qu'Emmanuel Macron le dise comme ça à la télévision ce midi mais l'idée est là. L'exécutif serre les rangs et fait le dos rond. L'Élysée et Matignon parient que la contestation sociale, qui a plus de deux mois de mobilisation dans les jambes, va s'estomper maintenant que le texte est passé. Qu'il n'y aura pas de chaos, ni de "gilet-jaunisation" du mouvement.
Le camp du président n'a pas réussi à convaincre les Français du bien fondé et de la nécessité de sa réforme des retraites, il l'admet, il le regrette, mais il veut se persuader que la raison l'emportera. Ce midi, sur TF1 et France 2, je crains qu'Emmanuel Macron ne cherche avant tout à montrer sa détermination. Prouver qu'il a raison envers et contre tous. Qu'il ne renonce pas à réformer le pays, jusqu'au bout de son quinquennat. Même s'il n'a plus de majorité pour le faire, et que la majorité des Français ne le veut plus.
Le président a-t-il tort de persévérer ? Ce qui m'inquiète, c'est le retour d'une vieille spécialité d'Emmanuel Macron : la petite phrase qui fâche, prononcée à contre-temps. Pile poil au plus mauvais moment qui soit. Hier soir, à l'Élysée, pour rasséréner ses partisans, il a déclaré : "La foule n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime à travers ses élus." Moi qui crois en ce qu'on appelle la démocratie représentative, j'ai plutôt envie de dire que le chef de l'État a raison sur ce point. Mais était-ce bien nécessaire de le dire la veille d'une adresse à la Nation censée apaiser les esprits ?
Il me semblait que le rôle d'un président était de rassembler. Qu'en pleine crise sociale, l'interview télévisée de ce jour devait servir à ouvrir les robinets d'eau tiède ? S'il avait voulu jeter de l'huile sur le feu, il ne s'y serait pas pris autrement. Perçus comme une nouvelle provocation, ces mots, au lieu de réconcilier les Français, ne manqueront pas d'en inciter quelques-uns à retourner manifester.
On verra ce qu'il en est demain, jeudi, neuvième journée de grèves et de manifestations organisée par l'intersyndicale contre la réforme des retraites. Mais quelque chose me dit que l'affaire est loin d'être terminée. Quoi qu'en dise Emmanuel Macron ce midi, à la télévision…
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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