Allemagne
À l’occasion des élections européennes du 9 juin prochain, RCF vous propose une série de dossiers afin d’éclairer les enjeux internes de différents pays de l’Union européenne. Cette semaine : la Grèce.
Quinze ans après la crise de 2008, l’économie grecque va mieux. Si cet épisode constitue encore “un traumatisme” dans le pays, le purgatoire financier du pays hellénique semble appartenir au passé. Face à une croissance corrélée à une inflation avoisinant les 4,5 % en 2023, le sujet reste importante au sein de la population grecque. À cinq semaines des élections européennes, l’économie, l’immigration, mais encore la sécurité et la défense apparaissent comme des thèmes essentiels des campagnes européennes.
C’est l’histoire d’une lente reconstruction. Berceau de l’antiquité, clé de voûte de la civilisation européenne, il fallait bien davantage qu’une crise économique pour enterrer la Grèce. Fragilisée - presque enterrée - au lendemain de la crise de 2008, l’économie grecque, à genou pendant quinze ans, va mieux. “Ne consulte pas le médecin, mais celui qui a été malade”, disait un proverbe de Grèce antique. Trois mille ans après, la citation n’a pas pris une ride. Le diagnostic effectué, place à la rédemption pour Athènes.
Le cancre de l’Europe remonte doucement la pente. Kyriàkos Mitsotakis, Premier ministre libéral, au pouvoir depuis 2019, a revu sa copie. Président du parti conservateur, la Nouvelle Démocratie, le chef du gouvernement grec a su recruter des cadres de partis d’opposition - dont le PASOK - pour stabiliser une économie, jusqu'ici largement pointée du doigt par les institutions européennes. Pour Georges Prévélakis, professeur émérite de l’université Panthéon Sorbonne, le parti de la Nouvelle Démocratie “se présente comme une sorte d’alliance informelle du parti traditionnelle conservateur et du parti socialiste”. Malgré son historique libéral-conservateur, “le centre de gravité” de la Nouvelle Démocratie se situe “dans le centre-droite”, explique-t-il. “Plutôt vers le centre que la droite”.
D’un solide bilan économique, le Premier ministre grec doit également se justifier des différents scandales qui traînent dans le pays. Parmi eux, la catastrophe ferroviaire de Larissa, faisant 57 morts en février 2023, qui a donné lieu à plusieurs manifestations contre l’Etat grec, accusé de négligence. “Cette histoire traîne. Il y a eu beaucoup d’erreurs du côté judiciaire de l’enquête”, rappelle Thomaïs Papaioannou, journaliste correspondante en France, pour la télévision publique grecque, l’ERT. “Certaines familles de victimes accusent le gouvernement de vouloir couvrir certains politiques responsables de cette collision”. Un drame qui fait encore beaucoup parler en Grèce, et qui fragilise la popularité de Kyriàkos Mitsotakis.
En Grèce, la crise de 2008 constitue encore un véritable “traumatisme”, assure Thomaïs Papaioannou. “Ce sont des années de grandes souffrances, de suicides, de banqueroutes. Ces dix ans furent une hécatombe”, précise la journaliste. Pourtant, l’économie grecque va mieux. Il y a quelques mois, la revue The Economist sacrait la Grèce, “pays de l’année 2023”. Avec 2,3 % de croissance, et un pourcentage quatre fois supérieur à celui de la zone euro, “les chiffres sont très favorables”, estime Georges Prévélakis. Autre point de satisfaction pour Athènes : en août 2023, l’agence de notation Scope Ratings passait la note de la Grèce en catégorie “investissement”, à BBB ; une première depuis 2010.
Ce n’est pas pour autant que l’économie grecque est complètement guérie. “Il y a des faiblesses structurelles”, admet Georges Prévélakis, spécialiste de la Grèce. “On a du mal à développer une base industrielle”. La dette du pays devrait revenir à 146 % du PIB en 2024, projettent les données officielles. “C’est aussi un effet de l’inflation. C’est donc à la fois une bonne chose, et un aspect qui pose problème”, analyse Georges Prévélakis. “Certains prix atteignent ceux connus en France, mais les salaires ne sont pas les mêmes”, poursuit la journaliste Thomaïs Papaioannou. L’inflation, atteignant les 4 % l’année dernière, fait désormais partie des priorités du gouvernement.
Si l’économie reste un sujet incontournable, l’immigration cristallise aussi le débat politico-médiatique à cinq semaines des élections européennes. “En Grèce, les deux sujets sont liés”, avance Thomaïs Papaioannou. Portes d’entrées de l’Europe - sur le front terrestre, comme maritime - la Grèce tente de réguler. De son côté, le gouvernement dirigé par le parti conservateur ne manque pas de rappeler “le problème migratoire”, que posent ces arrivées massives pour l’équilibre du pays. Il y a cette petite musique qui monte en Grèce : “le ressentiment que la population locale n’est pas favorisée par rapport à la population qui vient. On donne beaucoup d'argent pour financer le flux migratoire et les premiers besoins de ces populations”, assure la journaliste correspondante. “Ça peut diviser, polariser, faire exploser une société”.
Face à la situation migratoire, le rôle de l’Europe n’est pas encore totalement perçu en Grèce. “Il y a un immobilisme européen. On a beau signer des réformes, des nouveaux traités, on revient à la même chose”, assure celle qui est aussi spécialiste de Chypre, et qui constate le même enjeu à Nicosie. “Les pays frontaliers à l’Europe sont ceux qui doivent gérer constamment ces flux migratoires qui sont incontrôlables, inarrêtables”.
Un petit peu sur le modèle de la Suède, la Grèce entreprend son examen de conscience et s’interroge sur sa place au sein de l’Union européenne. “La perception européenne n’est ni optimiste, ni pessimiste”, explique Thomaïs Papaioannou. “Les intérêts nationaux et vitaux sont ancrés dans les décrets européens”.
S’il a été question de Grexit en 2010 puis en 2012, l’ensemble des partis politiques du pays hellénique sont pro-européens. “Le parti de la Nouvelle Démocratie, et donc son président, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, est pro-européen”. Conscient de la résurrection économique de la Grèce, le chef du gouvernement s’en est targué dans le numéro de mars de The Global Conversation. “Ce que nous avons accompli en Europe est unique à l’échelle de l’Histoire”, assurait-il. “L’esprit est de collaborer tout en défendant les intérêts nationaux”, souligne Thomaïs Papaioannou. Plusieurs enjeux se dressent pour Athènes : “l’immigration, l’économie, ouvrir les investissements en Grèce, retenir les cerveaux grecs”. Pour la journaliste, la Grèce “essaye de se prouver, et de prouver aux autres que l’on est de bons européens”.
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