L'ouverture du collège Saints Louis et Zélie Martin à Strasbourg pose des questions sur le label “catholique” de l’enseignement catholique. Ce titre répond en effet à un certain nombre de normes qui permet de jeter des ponts entre les établissements privés “sous contrat” et “hors contrat.”
Les écoles privées hors contrat ont la part belle en Alsace. Sur 36 établissements, 4 se déclarent d’obédience catholique d’après le site Ecoles Libres. À ce compte, il faut désormais ajouter le collège Saints Louis et Zélie Martin qui fait sa première rentrée en ce mois de septembre.
À l’origine de la démarche se trouve une association de parents d’enfants, pour la plupart scolarisés au Cours Herrade de Landsberg, une école primaire hors contrat de confession catholique, montée il y a 10 ans dans le quartier du Neudorf à Strasbourg. “Il y avait une demande des parents de poursuivre selon cet esprit, explique Nathalie Bastiat, présidente de l’association Louis et Zélie Martin. Les raisons de la création du collège sont multiples.“ On sait tous que les établissements sous contrat sont très demandés. Y avoir une place pour nos enfants est toujours très compliqué. Or, en tant que famille catholique, c'est quand même quelque chose qui nous tient à cœur puisqu'on souhaite donner une éducation chrétienne à nos enfants, justifie-t-elle.
Elle-même est maman d’un adolescent “pas très scolaire” qu’elle a inscrit en 3ème dans le nouvel établissement, dans un cadre plus “adapté à ses besoins”. Sont ainsi privilégiés les petits effectifs puisque 9 professeurs dispensent les matières aux 17 élèves répartis en deux classes de double niveau (6e-5e et 4e-3e) pour cette rentrée 2024.
En plus de la prière tous les matins et la messe une fois par semaine, les cours de religion sont obligatoires. Si la pédagogie de ce collège alternatif fait la part belle à la foi, le reste n’est pas oublié avec l'enseignement dit “classique et structuré” du français, des mathématiques et de l’histoire dans une approche chronologique, selon des méthodes qui ont fait leurs preuves durant des années” précise soeur Marie, vierge consacrée du diocèse de Fréjus-Toulon et directrice du collège.
Il faut aussi ajouter des activités manuelles que les élèves peuvent choisir chaque année, dont de la broderie et la menuiserie, et des supports éducatifs non numérisés, selon le souhait de la directrice en accord avec les parents : “Notre but est de leur donner tous les moyens, intellectuels, spirituels et manuels pour se former le plus possible avec des repères sûrs et stables.”
S’il ne remet pas en doute la qualité religieuse des organisateurs du nouveau collège, Patrick Wolff émet pourtant une critique vis-à -vis de l’adjectif “catholique” revendiqué par Saint-Louis et Zélie Martin sur son site. “Ce qui fait qu'un établissement scolaire puisse se dire catholique institutionnellement, c'est d’abord la reconnaissance par l'évêque du lieu”, explique le directeur de l’Enseignement catholique en Alsace. Une démarche déjà effectuée, se défend sœur Marie : “On pense que le hors contrat signifie mise à l'écart. C'est souvent un reproche qu'on nous fait de vouloir protéger et soustraire les enfants du monde. Je ne pense pas que ce soit le cas comme collège catholique. Nous faisons partie de l'église diocésaine de Strasbourg. Le collège s'ouvre avec l'autorisation, ou en tout cas, la prise en compte de notre évêque.”
Le titre de “catholique” apposé à un établissement correspond pourtant en France à un statut bien normé. L’établissement doit ainsi avoir une tutelle canonique agréée par l'évêque, et doit respecter le statut de l'enseignement catholique, dont un des principes majeurs est l'ouverture à tous. “À ma connaissance, ces établissements ne sont pas dans cette optique-là. C'est absolument leur droit, mais c’est la seule chose qui me gêne ” reproche Patrick Wolff. Or, bien que la foi ne soit pas optionnelle, le collège reste ouvert à tous “pourvu que les parents adhèrent au projet”, précise Nathalie Bastiat.
Pour autant, les responsables du nouveau collège strasbourgeois installé à la Robertsau expriment leur volonté de s'inscrire dans les tissus ecclésial et éducatif locaux. Marie Gaujard de Gail, directrice adjointe, a monté une option sport dont le but est de “préparer les élèves à des challenges sportifs qu'on va faire en partenariat avec d'autres collèges catholiques, justement pour qu'il y ait un lien aussi avec les autres collégiens de Strasbourg.” Au niveau de la pastorale, la directrice se dit volontaire pour faire participer les élèves aux activités proposées aux jeunes de Strasbourg.
Reste le frein financier qui peut filtrer les inscriptions. Le coût de la scolarité dans le hors contrat représente un certain investissement de la part des parents avec des tarifs différenciés en fonction de la tranche d’imposition et du nombre d’enfants inscrits, qui peut aller jusqu’à 400€ par mois pour un seul enfant au plus haut, et 220 € par enfant sur le plus petit niveau. “Nous essayons de collecter des dons via du mécénat pour aider les parents en difficulté. Effectivement, il ne faut pas que l'argent soit un frein pour pouvoir entrer au collège ” affirme Nathalie Bastiat.
Dans ce contexte, peut-il y avoir un lien institutionnel, peut-il exister entre l'enseignement catholique d’Alsace et ce collège libre ? “Si demain Mgr Pascal Delannoy (l'archevêque de Strasbourg, ndlr) reconnaît les écoles hors contrat comme établissement catholique d'enseignement, il peut y avoir un lien institutionnel entre l'enseignement catholique d'Alsace et ces écoles, explique Patrick Wolff. S'ils ont en plus une tutelle canonique agréée par l'évêque, et s'ils sont prêts à entrer dans la logique du statut de l'enseignement catholique donné par nos évêques, dans ces conditions-là, il n'y a aucun problème. Le fait qu'il soit hors contrat n'est pas du tout un empêchement. La plupart de nos établissements sont associés par contrat, pas tous.”
C’est le cas d’école primaire Marcel Van à Argancy en Moselle. Créée hors contrat en 2017, elle a été placée sous tutelle diocésaine au 1er septembre 2024.
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