Prison, hôpital psychiatrique : ces établissements ont en commun d'être des lieux privatifs de liberté, mais également des endroits aux conditions de vie indignes.
C'est un texte impitoyable à l'égard de l'État. Mi-mai, le rapport annuel de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qualifiait les établissement carcéraux de "sales et dégradés", et l'État d'"endormi". "Cela ne peut pas durer, je voudrais que cela s'arrête maintenant parce que là, on atteint des niveaux où ça devient dangereux, pour les détenus comme pour le personnel pénitentiaire, commente, inquiète, Dominique Simonnot, titulaire depuis 2020 de ce poste existant depuis 2008, qui alerte sur "le risque d'incendies violents, le risque de violences". "Un discours assez dommageable est tenu par les élus de la République, des parlementaires qui ont le droit d'aller en prison, qui y vont, qui connaissent leur état, et qui malgré cela continuent à appeler à plus d'enfermement", dénonce celle qui "touche le fond" à chacune de ses visites. Son constat est implacable. "L'article 707 du code de procédure pénale prévoit que la prison est là certes pour punir, mais aussi pour réinsérer." Si le premier principe est appliqué avec zèle, le second n'est pas respecté selon elle : "La loi est bafouée tous les jours."
Cela ne peut pas durer, je voudrais que cela s'arrête maintenant parce que là, on atteint des niveaux où ça devient dangereux
Présents en nombre dans les prisons, les aumôniers de toutes confessions tentent de soulager les cœurs meurtris. "N'étant pas croyante, mais ayant rencontré beaucoup d'aumôniers de toutes les religions, j'ai vu qu'ils apportaient beaucoup de sagesse et d'humanité", rapporte Dominique Simonnot, un soupçon d'admiration dans la voix pour ces convoyeurs d'humanité. Paradoxalement, de l'humanité, "il y en a beaucoup. Les surveillants, à de rares exceptions, comprennent que les détenus n'en peuvent plus."
Parmi les serpents de mer régulièrement et vainement évoqués par les gouvernements successifs, le problème de la surpopulation carcérale occupe l'un des premiers rangs. "Une telle surpopulation ne peut entraîner que des tensions", tonne Dominique Simonnot, qui fut dans sa jeunesse éducatrice pénitentiaire, avant de devenir journaliste, à Libération puis au Canard enchaîné. Vous êtes enfermé vingt-et-une heures sur vingt-quatre dans une pièce que vous partagez à trois, avec chacun 0,84 mètres carrés d'espace vital."
Vous êtes enfermé vingt-et-une heures sur vingt-quatre dans une pièce que vous partagez à trois, avec chacun 0,84 mètres carrés d'espace vital
Entre deux salves de colère, la CGLPL s'amuse. "Le programme 15.000 [places de prison supplémentaires, ndlr], on en entend parler depuis trente ans, c'est toujours le ‘programme 15.000' !" L'ancienne chroniqueuse de Libération salue le travail d'un député Les Républicains (LR). "Patrick Hetzel a fait un très beau travail en démontant totalement le plan de construction de prisons. Il a appelé ça ‘l'inexorable procrastination' [expression que l'on trouve dès le titre du rapport d'information, rendu le 25 mai 2023, ndlr]. Contrairement à elle, pourtant, Patrick Hetzel presse l'Etat de créer plus de places de prison. "Et moi, je fustige l'inertie coupable de l'État dans tous les domaines dont s'occupe le contrôle général", martèle Dominique Simonnot.
Loin de se cantonner aux prisons, le contrôleur général des lieux de privation de liberté est aussi chargé de vérifier les conditions de vie en hôpital psychiatrique. "Tout se tient. En prison, on estime à plus de 30% le nombre de détenus atteints de troubles psychiques plutôt graves, rappelle Dominique Simonnot. L'hôpital psychiatrique n'a plus l'envie ni les moyens de les prendre en charge." Son poste l'amène depuis trois ans à arpenter "des services dévastés par le manque de soignants, qu'ils soient médecins ou infirmiers. Forcément, cela rejaillit sur la prise en charge des patients. Forcément, ils sont gardés moins longtemps qu'avant." Un service en particulier la marque. "J'ai été très frappée par la géronto-psychiatrie où, malgré un personnel très dévoué, on croise des gens dans des états… très durs."
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