Depuis la rentrée, les manifestations d'étudiants s’enchaînent à Bangkok pour réclamer le départ du Premier ministre. Le tout sur fond de pandémie et aussi de fractures sociales anciennes. Pourtant, la Thaïlande est habituée à ce genre de soubresauts politiques. On se souvient par exemple du grand mouvement de 1997.
En mai 2014, l'armée a repris le pouvoir. Deuxième putsch dans la même décennie. En 2017, une nouvelle constitution. Des législatives ont lieu en mars 2019 dans un climat tendu. Elles sont remportées par l’ex-chef de la junte Prayuth Chan-O-Cha. La même année la Cour constitutionnelle disqualifie de son siège de parlementaire la figure montante de l'opposition, Thanathorn.
Certaines manifestations ont rassemblée plus de 10.000 personnes à Bangkok. Le gouvernement tente bien de contenir le mouvement en s’appuyant sur les restrictions sanitaires contre le coronavirus et en arrêtant les leaders mais sans vraiment y arriver car la contestation est très active, notamment sur Internet.
Parmi les contestataires, on retrouve principalement des étudiants. Ils ont pour signe de ralliement le salue à 3 doigts du film Hunger games. Mais d’autres catégories ont commencé en septembre à rejoindre la contestation. Il faut dire que les fractures sont nombreuses dans la société thaï, comme l'explique Olivier Guillard, chercheur à l’Iris spécialiste de l’Asie.
Les inégalités de revenus dans le pays constituent aussi l’un des puissants leviers du mouvement indique aussi Marie-Sybille de Vienne, maître de conférence à l’Institut National des Langues et civilisations orientales, spécialiste de la Thailande.
Cette contestation pourrait être amplifiée par les conséquences de la crise économique. C’est du moins un scénario redouté par le gouvernement. Les disparités économiques se sont aggravées ces quatre dernières années en Thaïlande et la crise actuelle va provoquer une contraction du PIB d’au moins 8% et sans doute renforcer cette tendance estime Olivier Guillard sur RCF.
Une nouveauté est à retenir. Une frange des manifestants se montre très critique vis-à-vis du roi. C’est un évènement en soit car la royauté est très respectée en Thaïlande. Un pays où, le crime de lèse-majesté est lourdement puni en Thaïlande pour à peu près n’importe quoi. Jusqu’en 1932, le pays était d’ailleurs une monarchie absolue. Officiellement le roi ne détient pas de pouvoir exécutif mais c’est une personne consacrée comme sacrée avec un rôle spirituel. Il incarne la conjonction des croyances bouddhiste, brahmanique et animiste. Il était aussi chef de l’armée. Avec des liens étroits avec les militaires. Autant l’ancien roi Rama IX décédé en 2016 était adulé de ses sujets. Autant son fils Rama X connu pour ses frasques n’a pas la même aura. Première fortune du pays, il n’a cessé d’influer depuis son sacre notamment pour renforcer ses propres pouvoirs.
Quand ils osent demander que la fortune du roi repasse sous le contrôle de l’État, quand ils appellent à une nouvelle Constitution, les manifestants remettent en cause un système politique qui profite à l’élite militaire et aux grandes familles qui trustent les gouvernements.
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