La communauté de communes du Pays de Mortagne-au-Perche planche sur une révision du plan local d'urbanisme pour exclure l'implantation d'éoliennes sur l'ensemble du Perche. Une décision jugée illégitime politiquement et juridiquement pour les écologistes.
« Tu bluffes Martoni ! ». Peut-être, mais Jean-Claude Lenoir, lui, ne bluffe pas quand il veut exclure les éoliennes du Perche. Le président de la communauté de communes des Pays de Mortagne-au-Perche (CdC) veut rendre impossible l'implantation de parc éoliens sur l'ensemble du Perche. Pour ce faire, l’ancien sénateur veut utiliser une disposition de la loi 3DS entrée en vigueur en février dernier. L’article 35 de cette loi donne aux élus locaux la possibilité d'encadrer l'implantation de parc éoliens dans le Plan local d'urbanisme (PLU).
Le 13 octobre dernier, le conseil communautaire a demandé à l'unanimité à la commission de l'aménagement du territoire de proposer une modification du PLU intercommunal « pour faire que le paysage du Perche ne soit pas atteint par la prolifération d'éoliennes », assure Jean-Claude Lenoir. Le président de la CdC ajoute :
Il n'a jamais été dit que tous les territoires devaient accueillir des éoliennes. On en met là où elles peuvent être implantées en termes de conditions de vent et d'acceptabilité sociale
Une décision jugée irresponsable à la vue du contexte de réduction des énergies fossiles par Cécile Bussière. La co-animatrice d’Europe Ecologie les Verts dans l’Orne, rappelle que
Si on veut accélérer la transition écologique ou atteindre la neutralité carbone en 2030 tout le monde doit faire un effort là-dessus
L’ancienne candidate aux législatives dans le Perche souffle que l’attitude de Jean-Claude Lenoir « n’est pas très sérieuse ».
L’ambiance est plus enjouée du côté d’Echauffour Environnement. Cette association, qui lutte contre les éoliennes dans leur commune, a applaudi le président de la CdC. « Enfin un politique qui prend conscience des enjeux et des responsabilités qu’on peut avoir dans le développement d’un territoire », se réjouit Fabien Ferreri. Le président d’Echauffour Environnement estime que l’article 35 de la loi 3DS permet de « limiter l’implantation de ces machines et redonne vraiment pouvoir aux élus locaux qui subissent les nuisances de ces machines ».
Mais le pouvoir de bannir les éoliennes du territoire d'une commune n'est pas accordé par la loi. Précisément, les projets éoliens doivent être « conformes aux conditions posée par le PLU » explique Daniel Dürr. Pour le maître de conférence émérite en droit de l'urbanisme, « les contraintes posées par un PLU peuvent être très forte », ce qui pourrait effectivement empêcher, de fait, l'implantation d'éoliennes aux zones délimitées par le PLU. Cependant, Daniel Dürr rappel que
Le juge administratif n'aime pas les interdictions générales et absolues
Ainsi, une collectivité qui limiterait sur tout son territoire l'implantation d'éolienne pourrait être censurée par le juge administratif. Une hypothèse tempère Daniel Dürr, la loi 3DS n’a pas encore été appliquée par les tribunaux administratifs.
Pourtant, le Sénat avait adopté un droit de véto pour des maires pour s’opposer à l'implantation d’éoliennes dans la loi 3DS. Le gouvernement avait essayé de trouver un compromis avec cet article 35. Visiblement, un compromis qui ne convient pas au groupe Les Républicains au Sénat.
Un amendement a été déposé dans le projet de loi sur la production d’énergies renouvelables permettant aux collectivités d’empêcher l’implantation de parc éolien sur leur territoire si elles émettent un avis défavorable à cette installation. Cette disposition défendue par Olivier Paccaud rendrait la pratique de Jean-Claude Lenoir légale.
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