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Ernest Pignon-Ernest: "le dogme de l’incarnation, c’est un cadeau pour un peintre"

RCF,  - Modifié le 15 août 2020
De Soweto à Paris, de Naples à Ramallah, de Nice à Rome, les murs se souviennent des dessins d’Ernest Pignon-Ernest, pionnier du street art dans le monde, bien avant Banksy.

Le travail de cet artiste d’exception est actuellement à l’honneur dans la grande chapelle du palais des papes d’Avignon. On peut y découvrir une rétrospective de plus de 400 dessins résumant près de 60 ans d’engagement et de création artistique. Un artiste pour qui "le dessin est la conjonction de la pensée et de la main, c’est l’humanité. J’ai visité la grotte Chauvet. Déjà il y a plusieurs milliers d’années, l’homme dessinait, nous faisait signe".
 

"Mes dessins ne sont pas des affiches"

"Mon travail vise à réinscrire l’histoire. Mes dessins sont réalisés dans la perspective de s’inscrire dans des lieux. Je fais une appréhension des lieux, comme un peintre ou un sculpteur, dans lesquels je vais les inscrire. À la fois très complexe, d’une grande précision. Mes dessins ne sont pas des affiches. Ils naissent des lieux. Simultanément, je travaille aussi tout ce qui ne se voit pas dans un lieu : sa mémoire, son potentiel symbolique, son passé enfoui" ajoute-t-il.

Dessiner en 2020, un acte presque révolutionnaire. En tout cas, à contre-courant. "C’est un geste éthique. Nous sommes submergés par des images qui n’ont aucune réalité, qui passent un millième de secondes, qui sont des falsifications. Le dessin affirme une relation au temps, le besoin de penser, de s’inscrire dans un temps humain, comme l’écriture" lance encore Ernest Pignon-Ernest.
 

 

"J'interroge l'homme et ce qu'on lui inflige"

Bien qu’athée, Ernest Pignon-Ernest n’a pu se départir durant sa carrière de donner une dimension spirituelle à son œuvre. "Je suis niçois, méditerranéen, latin. C’est ma culture. C’est essentiel. C’est une grande chance pour un peintre d’être né dans la culture chrétienne. Le dogme de l’incarnation, c’est un cadeau pour un peintre !" s’exclame-t-il. L’incarnation, une notion pourtant mise à mal étant donné qu’avec le temps, les œuvres d’Ernest Pignon-Ernest, exposées aux éléments, s’abîment, et finissent par disparaître.

L’artiste est donc actuellement exposé au palais des papes d’Avignon. Une rétrospective intitulée "Ecce Homo", dont Ernest Pignon-Ernest est très fier. "C’est une évidence. Il y a des images sur presque 60 ans. J’interroge l’homme et ce qu’on lui inflige. Mes dessins viennent réinscrire de l’histoire humaine dans les lieux. Les gens passent tous les jours dans des lieux où il s’est passé des histoires terribles. Tout se normalise. Mes images viennent réactiver les lieux, densifier les lieux, exacerber leur potentiel poétique" conclut-il.

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