Erwan Le Morhedec est avocat, essayiste et bénévole en soins palliatifs. Auteur du blog Koztoujours, il souhaite alerter l'opinion sur la légalisation de l'euthanasie. Pour cela, il donne des conférences à travers l'Hexagone. RCF Sarthe l'a rencontré lors de la journée-débats sur la fin de vie organisée par le diocèse du Mans.
La réflexion entamée par les 185 membres de la Convention citoyenne sur la scène de vie se poursuit. Est-ce que vous savez où ils en sont ?
La Convention citoyenne vient de débattre de propositions qui restent assez vagues. Ces propositions sont des bonnes intentions communément partagées, mais dont on achoppe depuis longtemps sur leur application. Je trouve qu’ils travaillent sérieusement mais sans être méchant, on n'a pas non plus inventé l'eau tiède. Même si ça témoigne d'une vraie délibération, je reste sceptique sur l'issue et sur le fait que les débats soient subtilement orientés.
Un cap dans le débat a été très récemment franchi quand la Youtubeuse et Influenceuse Olympe a annoncé sa volonté d'avoir recours au suicide assisté. Sa demande a été très médiatisée. Qu'est-ce que cela vous vous inspire ?
Je note plusieurs choses très révélatrices. D'une part, on est en train de parler d'une personne qui n'est pas en fin de vie, dont le pronostic vital n'est pas engagé. Visiblement, ça ne choque pas plus que ça de discuter du fait qu'une personne qui présente des difficultés psychiques puisse demander le suicide assisté ou l'euthanasie Et puis ce que j'ai trouvé également choquant, c'est que, comme le disait Jean-Pierre Denis, on est arrivés à une peopolisation de la mort. On peut lire des articles dans lesquels, dans le même paragraphe, vous avez les termes "Youtubeuse", "influenceuse" et "suicide". Ça me semble assez dramatique car on est en train de faire de l'euthanasie ou du suicide assisté une espèce de truc trendy. Le risque est de donner des idées à d'autres. On sait qu'il y a une contagion du suicide, donc j'ai vraiment été choqué d'un traitement de l'information que je trouve irresponsable.
Également de la part des journalistes ?
Oui, parce que c'est un vrai questionnement éthique doit se poser au moment de rapporter ces informations. La précaution minimum - et ça a été fait à la demande de soignants – est de rappeler les numéros d'urgence pour la prévention du suicide (Ndlr : nous pouvons citer Dites Je suis Là : 09 72 39 40 50). Dans les pays où l’euthanasie est autorisée pour dépression - notamment en Belgique - beaucoup de psychiatres rapportent que beaucoup de leurs patients leur disent systématiquement « on veut en finir ». Si on commence à entendre trop facilement ces revendications, c'est la porte ouverte à des euthanasies un peu rapides.
Est-ce que vous pensez qu’il reste une place pour le débat pour ou contre l’euthanasie avec cette banalisation de la question ?
C’est sûr que je ne suis pas très optimiste. Mais on ne doit pas mener que les combats qu'on est sûrs le gagner. Je crains fortement qu'on ait des cas comme celui de Shanti De Corte (Ndlr : Jeune femme belge traumatisée par les attentats de 2016 qui a obtenu un suicide assisté). On aurait pu aller plus loin pour elle. À 23 ans, on n'a pas fait le tour des possibilités thérapeutiques. Et les psychiatres le disent : même si c'est très difficile de vivre avec des antidépresseurs, on avait probablement, voire certainement pas fait le tour des solutions pour cette jeune femme. Il y a une phrase de Jacques Maritain que j’ai mise en exergue quand j’ai ouvert mon blog en 2005 : « L’important n'est pas de réussir ce qui ne dure jamais mais d'avoir été là, ce qui est ineffaçable. » Cette citation est un peu mon leitmotiv dans ce débat. Je ne suis pas très optimiste sur son issue mais je veux avoir été là parce que je pense que cette voix doit être portée.
Par votre expérience, vous pensez qu'il reste une chance pour un élargissement des soins palliatifs en France ?
Si on consulte l’avis du Comité consultatif national d'éthique, il ne faudrait pas avoir mettre en place le suicide assisté où l'euthanasie avant d'avoir suffisamment développé les soins palliatifs. Mais on observe qu'aujourd'hui, on débat de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté alors que si l'exécutif voulait mettre les moyens dès maintenant pour le développement des soins palliatifs, il pourrait le faire. Or, ils ne le font pas. Effectivement, on voit aussi qu'en Belgique, contrairement à ce qu'affirment les partisans de l'euthanasie, le pays est mal classé sur le développement des soins palliatifs. Mais je garde espoir. Depuis que le débat a été relancé en septembre, on n'a jamais autant parlé des soins palliatifs en France. En ce sens, je ne veux pas être trop pessimiste et j’espère que ça suscite un élan. Mais je crains que cet élan ne reflète pas l’état réel de notre société.
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