Cinq ans après la crise sanitaire, la région Grand Est a lancé un programme pour décarboner 15 % des établissements de santé présents sur son territoire. Quelque 30 hôpitaux expérimentent différents projets qui devraient servir d’exemple.
Chaque année, les établissements de santé émettent près de 50 millions de tonnes de CO2 dans l’air, soit 8 % des émissions de gaz à effet de serre en France, dont 1 tiers provient des hôpitaux.
Au sortir de la crise sanitaire qui a accentué la crise du secteur médical, la Région Grand Est a profité du soutien financier offert par l’État dans le cadre du plan “Relance France” pour créer un programme en cinq ans intitulé “Hôpital du futur”. Il se divise en deux phases : la première était destinée à améliorer les conditions de travail du personnel dans les hôpitaux. Actuellement, la Région en est à la deuxième : décarboner les établissements.
“La conduite de ce programme dans sa globalité pour accompagner la transformation des hôpitaux est assez unique en France ”, estime Caroline Dreyer, directrice générale de Biovalley France, l’organisme chargé de coordonner les opérations. Le dispositif se divise en trois thématiques qu’expérimentent 11 établissements pour réduire de 5 % leurs émissions afin d’atteindre les objectifs climatiques du Pacte Vert fixés par l’Union européenne d’ici 2050.
Sur 182 établissements de santé en Grand Est, une cinquantaine ont candidaté pour participer au programme. Et 11 candidats ont été retenus pour cette phase de décarbonatation, avec une majorité de dossiers portant sur la restauration énergétique des bâtiments, avec l’installation de chauffages biomasse ou l'installation de panneaux photovoltaïque, “un aspect plus urgent et plus connu” d’après Caroline Dreyer, qui a récolté toutes les candidatures.
Dans le Bas-Rhin, le groupement hospitalier de Sélestat-Obernai a commencé l’installation de panneaux solaires sur une partie de sa toiture, avant d’étendre le dispositif au-dessus du parking.
Une aubaine également économique pour l'établissement qui accueille 20 000 séjours hospitaliers par an d'après Anthony Kinding, directeur des travaux et de la sécurité du groupement : “À ce stade, la production solaire est estimée entre 40 et 45 000 kw par an, soit 1 % de notre consommation. Ce sont des non-dépenses dans un contexte budgétaire compliqué.” En France, sur 3 000 établissements de santé, seule une dizaine ont choisi d'installer des panneaux solaires comme source d'énergie.
Une crise encore plus urgente et globale
que celle de l’hôpital : celle de la planète
À Nancy, le CHRU va acquérir une solution de douches hydro moléculaires pour les patients alités : une toilette intégrale plus économe en eau et en énergie. En Moselle, le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville a choisi de mettre en place un parcours d'éco-soin, un dispositif de réduction de l'empreinte carbone tout au long de l’hospitalisation d'un patient, de son accueil à sa sortie en passant par les opérations au bloc opératoire, doublé d’une réflexion sur le parcours des médicaments.
La démarche du “Greenbloc” est encore peu prisée en France, existant seulement aux Hospices civiles de Lyon ou aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Ces derniers estiment qu' à eux seuls, “les blocs représentent 30 % de leurs déchets.”
Le dispositif est très mobilisateur par ailleurs puisqu’il prévoit un volet important de formation des cadres de santé pour installer cette démarche dans leurs établissements et engendrer “un effet boule de neige. C’est cela qui va créer de nouvelles chaînes de valeur et permettre une interrogation sur la pratique du soin”, affirme Yazid Sebia, directeur adjoint de la qualité au CHR de Metz-Thionville.
Si la mise en place de tels dispositifs semble se reposer sur les convictions de quelques cadres, la responsabilité sociale et environnementale fait en réalité désormais partie des critères d'évaluation à l'hôpital et de la plupart des projets d’investissements, de manière générale. Pour Manuel Klein, directeur du groupement hospitalier de Sélestat-Obernai, “c’est le sens de l’histoire, et nous, comme directeurs d’établissements de santé, nous avons à participer à une crise encore plus urgente que celle de l’hôpital, et plus globale : celle de la planète.”
Le développement durable permet à des équipes
de contribuer à l’attractivité d’un établissement
auprès des plus jeunes.
Alors que le secteur peine à endiguer la vague de désertion des soignants, l’Agence régionale de santé Grand Est table sur le développement durable. “On s’est aperçu que travailler sur ces questions permettaient de redonner du sens au travail, un sujet qui posait sérieusement problème après le Covid, constate Frédéric Remay, directeur général adjoint de l’ARS Grand Est. Cela permet à des équipes de se retrouver autour d’un projet fédérateur, et de contribuer à l’attractivité d’un établissement auprès des plus jeunes, mais pas seulement.”
À l’envie, il faut ajouter les moyens. En tout, le programme “Hôpital du futur” a coûté 18 millions d’euros répartis sur les deux phases. Neuf millions proviennent de fonds européens liés à la Relance post-covid auprès des pays de l’UE pour la première étape. Quant à l’étape de décarbonation, la Région y consacre 1 % de son budget de santé. Le reste doit être assumé par les établissements eux-mêmes.
À la suite de la flambée des prix de l’électricité et des circuits de réduction d’énergies, le CHR de Metz-Thionville a pris des mesures drastiques. “Nous avons ainsi réalisé 400 000 € d’économies, assure Yazid Sebia. Nous avons choisi de les réinjecter dans le soin en mode d’économie circulaire.”
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