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Ethiopie: quelles sont les raisons du conflit en cours au Tigré ?

RCF,  - Modifié le 2 décembre 2020
Le dossier de la rédactionEthiopie: quelles sont les raisons du conflit en cours au Tigré ?
​Depuis presque un mois, des combats opposent l’armée éthiopienne aux rebelles de la région du Tigré. Un conflit avec des centaines de morts et près de 45 000 déplacés.
DRDR

Dans la corne de l’Afrique, l’Ethiopie est un état fédéral, multi ethnique : oromo, amarah, tigréens, etc. Le Tigré est l’un des 10 État-régions formant cette fédération éthiopienne. Il compte presque 6 millions d’habitants sur une population totale de 100 millions d’Ethiopiens. C’est une région montagneuse au nord du pays à la frontière avec l’Erythrée. "Le Tigré est le cœur historique de l’Ethiopie. Ce royaume a été chrétien bien avant l’Europe. Ce mouvement se sent dépositaire de l’histoire de l’Ethiopie alors qu’aujourd’hui il se retrouve marginalisé", assure Marc Lavergne, chercheur au CNRS professeurs à l’université de Tours.

Un rôle prépondérant dans l'histoire du pays

Entre 1975 et 1991, un régime communiste est dirigé par Mangistou. C’est le Front de Libération du peuple Tigréen, le TPLF, qui mènera principalement la lutte jusqu’à la chute du dictateur. "Les Tigréens ont lutté pendant 17 ans contre Mangistou et les Erythréens pendant 30 ans", explique Patrick Ferras, chercheur indépendant et enseignant à l’Iris.

Durant presque 30 ans, le pouvoir central était donc aux mains des Tigréens. Jusqu’en 2018, le TPLF a toujours été à la tête de la coalition au pouvoir en Éthiopie. Après 2012 son influence a décliné, jusqu’à l’arrivée, il y a deux ans, de l’actuel premier ministre Abiy Ahmed. "Depuis son accession au pouvoir, le Premier ministre est en opposition constante avec les Tigréens. Comme ils ont été évincés du pouvoir en 2018, ils se sont retranchés dans leur région-État. On a des altercations vives entre pouvoir central et une région-État mais en aucun cas, les Tigréens ont demandé leur indépendance", souligne Patrick Ferras.

Ces dernières années, le parti se recentre sur sa région d’origine. Abiy Ahmed les considères comme des "criminels" qui déstabilisent le pays en sous-main. En retour le TPLF accuse Abiy Ahmed de dérive autoritaire.

Le Covid-19, déclencheur du conflit

Le coronavirus est le détonateur du conflit, dans un contexte où en septembre dernier était prévu des élections régionales. "Le premier ministre a pris prétexte du Covid-19 pour repousser les élections et les Tigréens ont pensé qu’il y avait un mauvais coup contre eux pour les empêcher de relégitimer leur mouvement", affirme Marc Lavergne. Le scrutin régional a été qualifié "d’illégitime" par Addis Abeba.

Ensuite, dans la nuit du 3 au 4 novembre, une attaque a lieu sur des casernes de Mékélé, capitale du Tigré. Attaque attribuée au front tigréen par le gouvernement central. Le Premier ministre décide de riposter avec une offensive victorieuse le week end dernier. Mais dont on sait finalement très peu de choses.

Le bilan humain est à ce stade incertain mais l’International Crisis Group (ICG) estime dans un communiqué publié vendredi soir que "plusieurs milliers de personnes sont mortes". 40 à 45 000 civils aurait fuient la région en direction du Soudan. L’UNICEF s’inquiète du sort de 12000 enfants réfugiés sans leurs parents.

Un Prix Nobel de la Paix qui dérange

En 2019, pour son rapprochement avec l’Erythrée, ennemi héréditaire, Abiy Ahmed a reçu le prix Nobel de la Paix. Il s’est transformé en chef de guerre. "Je ne pense pas qu’il soit un criminel de guerre. Il a été contraint de régler ce problème par la force car les Tigrééns l’empêchaient de mener à bien ce qu’il souhaitait pour une Ethiopie prospère", affirme Marc Lavergne. Patrick Ferras tempère : "On a décerné un prix peut-être un petit peu rapidement".

Le pape François a lui lancé "aux parties du conflit un appel à cesser les violences, sauvegarder les vies, en particulier des civils".

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