156 députés ont signé récemment une tribune pour que l’euthanasie soit inscrite dans la loi, qu’ils appellent "une aide active à mourir". Philippe de Lachapelle réagit ce matin.
« Euthanasie, une piqûre, deux morts ». Ce titre sur le site de La Croix est pour le moins intrigant. C’est quoi ces deux morts ? L’auteur, Claire Fourcade, est médecin en soins palliatifs à Narbonne. Un journaliste lui a posé récemment cette question assez brutale : « Vous accompagnez les patients. S’ils vous demandent d’aller jusqu’au bout, vous n’allez pas les laisser tomber. C’est votre travail de médecin, je ne vois pas où est le problème ! ». « Aller jusqu’au bout », c’est euthanasier, où est le problème ?
Alors Claire Fourcade explique douloureusement : « Pour chacun de mes patients, parler de sa souffrance, de son angoisse, de sa mort, c’est difficile… la parole vient lentement, elle se noie de larmes. Alors, j’écoute, avec les oreilles, bien sûr. Mais aussi avec les yeux, pour mieux entendre ce qui ne peut se dire. Avec les mains, pour toucher du doigt la douleur et le mal. Avec ma voix pour relancer d’une question les mots qui s’étranglent. Avec mon corps tendu qui jamais ne se relâche pour ne pas renvoyer à la solitude celui qui me fait face, et qui exprime ses peurs les plus profondes ». On devine dans ces mots la grande humanité de cette femme qui porte une telle attention à celui qu’elle soigne, et dont elle a la confiance.
Elle écrit : "Si je devais en point final de ces conversations, même si on me le demandait, tuer celui qui m’a parlé : préparer la seringue, entrer dans la chambre, dire un mot (lequel d’ailleurs ?) injecter le produit, recueillir le dernier soupir, consoler la famille, et signer le certificat. Comment ensuite prendre à nouveau le risque d’écouter vraiment ? Le médecin en moi mourrait." Les voilà les deux morts, le patient, et le médecin dont la vocation est de soulager, pas de tuer.
Vous savez, en Belgique où l’euthanasie se pratique de plus en plus, le Professeur Beuselinck, oncologue, constate que l’euthanasie constitue une « menace réelle pour la pratique de la médecine ». Il révèle dans un ouvrage universitaire que beaucoup d’infirmières et médecins démissionnent d’une unité de soins palliatifs qui se voit obligée de pratiquer l’euthanasie. Le témoignage du Docteur Fourcade nous aide à en comprendre la raison.
Euthanasie et soins palliatifs sont incompatibles. Les débats ont déjà eu lieu, on ne va pas les réouvrir sans cesse, comme si l’interdit de tuer était optionnel, alors qu’il est fondateur. La priorité absolue en France est de rattraper les énormes retards pris en matière de soins palliatifs. Ils sont prévus par les lois précédentes encore toutes fraiches, il est temps de les mettre en œuvre.
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