mercredi 17.06.2020 année A férie
Le début du chapitre 6 de Matthieu commence par trois mises en garde vigoureuses de Jésus contre les pratiques impies de l’aumône, de la prière et du jeûne, qui sont, avec l’obligation de l’étude des textes sacrés, les commandements les plus importants des 613 qu’ordonne le Seigneur à son peuple élu. Dans le sermon sur la montagne qui ouvre le chapitre 5, Jésus a d’abord donné son interprétation des commandements qui régissent la vie entre frères humains. Au chapitre 6, à propos de la relation avec Dieu lui-même, il met en garde contre l’hypocrisie. Probablement, le sens utilisé n’est pas seulement celui que nous connaissons, mais celui originaire d’un terme araméen qui désigne la perversion, l’aveuglement. Au lieu de se relier à Dieu, l’impie s’idolâtre en se faisant le centre de lui-même et des autres. Trois fois, Jésus utilise ce terme d’hypocrisie. Matthieu s’adresse à des juifs en milieu araméen qui pratiquent scrupuleusement «leur religion», comme la nomme Jésus, à travers la fidélité à l’aumône, à la prière et au jeûne. Pour chacune de ces œuvres de religion, le mot «hypocrisie» est martelé. Tout le passage proposé consiste en des commandements négatifs qui fustigent des attitudes opposées à sa propre relation à son Père. Seuls les versets 9 à 15, non lus ce jour, expriment avec gloire l’affirmation triomphante de la confiance dans notre Père par l’enseignement de la prière par excellence. Jésus nous aime tellement qu’il nous livre sa relation intime secrète à son Père.
La gloriole recherchée par les juifs religieux peut nous sembler d’un autre âge. Je me souviens dans mon enfance dans les années 50, grosso modo les gens «bien» étaient ceux qui allaient à la messe, et l’on montrait presque du doigt ceux qui n’y allaient pas. Aujourd’hui, c’est totalement l’inverse.
Benoît XVI soulignera que venir en aide aux autres est un acte de justice avant d’être un acte de charité: « La charité dépasse la justice, [,,,] mais elle n’existe jamais sans la justice qui amène à donner à l’autre ce qui est sien, i.e., ce qui lui revient en raison de son être et de son avenir.»
Aux versets 16 à 18, Jésus dénonce un grave dévoiement du jeûne par l’hypocrite qui le pratique «pour la galerie». Matthieu au chapitre 15, v.8 évoque une autre diatribe de Jésus contre l’hypocrisie, citant Ésaïe:«Ce peuple m’honore des lèvres.»
C’est à une religion pure,vraie, que Jésus nous appelle, i. e., à une relation authentique au Père, pleine de confiance, dans le secret des cœurs. Ce mot «secret» est utilisé six fois. C’est dire son importance, secret du Père, secret du disciple, secret partagé entre les deux dans une intimité sacrée. Dans les deux cas, nous recherchons le regard de l’autre, mais le disciple, lui, recherche celui de son Père. Comme pour l’argent, on ne peut servir deux maîtres à la fois. Il faut choisir, donc renoncer à ce qui nous coupe du Père, d’où la mise en garde initiale de Jésus. Bien sûr, nous voulons montrer la meilleure face de nous-mêmes aux autres et cela se comprend. Mais quelle folie que de préférer être admiré des pauvres hommes que par Dieu lui-même!
Quelle est donc cette récompense que ne nous précise pas Jésus? Qu’est-ce que le Père veut nous donner en partage ?
Tout ce qu’Il a, sa propre vie! Autrement dit, avec Jésus, en Lui et par Lui, le Père me gratifiera du don de lui-même, dans la mesure de la perte de moi-même à laquelle j’aurai consenti gratuitement.
C’est ainsi qu’un membre d’une communauté déclarait : « Jeûner, c’est faire de la place en nous pour permettre à Dieu de nous rejoindre ; c’est reconnaître que le Seigneur est mon unique nécessaire et que tout vient de Lui. C’est reprendre conscience que la seule chose qui ne vient que de nous et que nous pouvons présenter à Dieu pour qu’Il nous en libère, c’est la pauvreté de notre péché.»
Alors, interrogeons-nous en toute honnêteté. Quelle est notre motivation pour rendre service, participer à une association, poser des actes civiques, politiques, faire nos choix de consommateur ?
Qu’est-ce qui me motive dans mes actes ? L’image que je veux donner de moi aux autres ou un amour réel, donc gratuit, pour le Père et, à travers Lui, pour les autres ?
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