La Semaine Missionnaire Mondiale des Œuvres Pontificales Missionnaires a lieu du 16 au 23 octobre 2022. Elle est l’occasion de se pencher sur les différentes formes de vivre sa foi à travers le monde. L’Afrique a été et est toujours un vaste terrain d’évangélisation et de chrétienté. Sur ce continent pluriel, existe-t-il une théologie catholique qui fédère et qui parvient à composer avec les traditions des ancêtres ? Comment y parle-t-on à Dieu et de Dieu ?
Du 19 au 22 juillet 2022 s’est tenu à Nairobi le deuxième Congrès catholique panafricain sur la théologie, la société et la vie pastorale. L’objectif est de changer la vision de l’Église, qui a longtemps été celle d’une institution héritière de la pensée grecque. La décolonisation, au milieu du XXe siècle, a permis d’instaurer une théologie plus en prise avec les réalités des populations. Ce changement permet une meilleure cohabitation entre missionnaires et coutumes locales.
Pour Pierre Diarra, théologien et historien des religions, le risque de la théologie chrétienne africaine est de se tourner constamment vers le passé : "on peut y recourir mais il faut toujours aller de l’avant". Jean-Claude Angoula est religieux spiritain et prêtre. Docteur en théologie et en sociologie, il enseigne à l’Institut catholique de Paris. Il est aussi le directeur adjoint de Spiritus, revue d’expériences et de recherches missionnaires. Pour lui, malgré les évolutions, "il faut encore aujourd’hui composer avec la diversité des dialectes, des ethnies". Rendre compatible cette pluralité avec l’unité de la foi est un enjeu majeur.
Il faut arrêter de "voir l’Afrique comme un continent qui n’aurait rien pensé, [...] comme un néant au fond de l’abîme", disait Léopold Sédar Senghor. Le continent ne cesse, avec le temps, de s’affirmer comme une entité plurielle. Et la théologie africaine se doit de suivre le mouvement. En 1960, la faculté de théologie de Kinshasa ouvre, et avec elle des discussions sur la façon de penser l’unité de l’Église africaine. Encore une fois, pour les invités, il "ne faut pas se tourner vers le passé en oubliant les développements culturels et historiques qui ont opéré en Afrique".
Pierre Diarra rappelle un texte datant de 1659, quand les missionnaires étaient envoyés en Asie : "ne mettez aucun zèle pour convaincre les peuples de changer leurs mœurs". Quand on demande à Jean-Claude Angoula s’il considère que cela a été respecté en Afrique, il reconnaît "de gros manquements". Manquements que se sont appropriés les théologiens africains pour relancer la réflexion sur l’appropriation du message chrétien. Face à un territoire aux multiples cultures et dialectes, la question principale de la théologie africaine semble être celle de la signification liée aux mots. Un récent colloque à l’Université Catholique d’Abidjan interroge le nom que l’on donne à Dieu. Jean-Claude Angoula souligne qu’au Mali, par exemple, Dieu est appelé Allah ; preuve de l’enracinement dans la culture et la langue locale.
L’animisme occupe une part importante dans ces cultures locales. Jean-Claude Angoula rappelle ce que disait Benoît XVI à ce sujet, le fait "d’éviter la double appartenance à des traditions et à la tradition chrétienne. Certains ont du mal à comprendre la logique de gratuité avec Dieu, parce que les religions animistes véhiculent souvent un message donnant / donnant". Il faut donc bâtir un dialogue constructif et à différents niveaux. Pour Pierre Diarra, il s’agit de trouver dans ces religions ce qui ne contredit pas le message chrétien. C’est ce qu’on appelle l’inculturation : adapter la manière d’annoncer l’Évangile en fonction des contextes et cultures.
Pierre Diarra rappelle d'ailleurs que le "rôle des théologiens est d’expliquer la logique religieuse de toutes les croyances". Si les "religions des ancêtres" ne sont pas toujours en contradiction avec la logique chrétienne, il existe des différences, "des choses qui ne peuvent pas aller ensemble : c’est le syncrétisme", explique Jean-Claude Angoula. Aurélie, auditrice, relate que "l’Europe qui a apporté le christianisme a aussi apporté beaucoup de maux. C’est à nuancer entre bienveillance et condescendance". Elle se rappelle avoir "grandi dans ce tiraillement", au Cameroun.
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