Le nucléaire semble avoir de nouveau la cote, porté par le président Emmanuel Macron qui voit en lui une "énergie d’avenir" et promet d’investir 1 milliard d’euros dans le secteur. Et même s’il divise les défenseurs de l’environnement et la classe politique, il faudra sûrement encore compter sur l’atome en France.
Le nucléaire a encore quelques belles années devant lui. En témoigne le rapport "Futurs énergétiques 2050" publié lundi par RTE, le gestionnaire du réseau électrique français. Il propose six scénarios sur l’avenir de l’électrique en France, à l’horizon 2050. Cela va du 100 % renouvelable à un mix énergétique avec moitié de renouvelable et moitié de nucléaire. L’objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 30 ans tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement. Car l’atout très souvent avancé pour justifier le développement du nucléaire, c’est qu’il n’émet aucun CO2. "Le GIEC dit bien que le nucléaire n’émet pas ou très très peu de CO2 donc le nucléaire est un atout climatique. Après, il y a des impacts environnementaux que ce soit sur le combustible ou les déchets qui sont créés", précise Nicolas Goldberg, consultant énergie chez Colombus consulting.
Certes, le nucléaire est décarboné mais il faut gérer ses déchets radioactifs, particulièrement dangereux. Un projet d’enfouissement de ces déchets à 500 mètres sous terre doit voir le jour à Bure, dans la Meuse, en 2035. Pour l’heure, ils sont enfouis à la Hague, dans le département de la Manche.
Pour l’association Négawatt, les conséquences sur l’environnement sont trop lourdes et on ne peut pas ne réfléchir qu’en termes d’émissions de gaz à effet de serre. L’association milite pour une énergie 100 % renouvelable et pour la sobriété énergétique. "Le nucléaire ne coche pas toutes les cases, loin de là. Le renouvelable coche beaucoup plus de cases", insiste Marc Jedliczka, l’un des porte-parole de l’association Négawatt, qui publie ce mardi son scénario pour une transition énergétique.
Le nucléaire a d’autres arguments, notamment sur le plan économique. Il est stable financièrement, alors que l’on connaît une très forte augmentation des prix de l’énergie, du gaz et du pétrole notamment. Par ailleurs, le nucléaire est une énergie pilotable, que l’on peut adapter aux besoins de la population. Cette stabilité des prix est un atout considérable. "Comme le prix de revient est connu et qu’il ne bouge pas, par rapport à de l’électricité produite avec du gaz dont le prix s’est envolé, le nucléaire a un atout. Ce qui explique qu’il y ait une relance du débat sur le nucléaire. [...] Il apparaît comme un îlot de stabilisation du prix pour le consommateur final", analyse Jacques Percebois, économiste spécialiste des énergies.
Pour autant, les coûts du nucléaire augmentent. Emmanuel Macron a annoncé investir 1 milliard d’euros dans le secteur, dans le cadre du plan de relance. L’ancien nucléaire, tel qu’on le connaît, coûte peu cher car il a été construit en grand nombre, à une époque de forte industrialisation de la France. Du côté du nouveau nucléaire, le coût est beaucoup plus élevé. Et les chantiers prennent du temps comme celui de l’EPR [réacteur pressurisé européen, NDLR] de Flamanville dans la Manche qui devait être livré en 2012 mais qui n’est pas terminé.
Et avant même que le premier EPR français soit fonctionnel, Emmanuel Macron se lance dans les SMR, des petits réacteurs modulaires. Deux types de réacteurs qui auront vocation à se compléter. "Les grands EPR seraient en charge de continuer à alimenter le réseau électrique français et à côté de ça, les petits, eux, peuvent être utilisés pour des usages industriels, ça permet de remplacer les fossiles", détaille Myrto Tripathi, ancienne cadre d’Areva et présidente de l'association "Les voix du nucléaire".
Mais s’il semble se relancer, le nucléaire en France devra faire face à des défis qui concernent la sécurité ou encore l’économie. Pour autant, peut-on s’en passer ? "On peut imaginer une France sans nucléaire. Sur le papier c’est possible. Maintenant, ce que nous enseigne le rapport de RTE c’est que ça pourrait coûter plus cher et que ça nécessite un système hydrogène pour gérer les moments où il n’y a pas de vent ni de soleil", assure Nicolas Goldberg.
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