Une mesure victime de son succès. Le gouvernement a brusquement décidé d’arrêter le leasing social pour les voitures électriques. Lancé en janvier 2024, il était destiné aux plus modestes et il a trouvé son public. 50 000 commandes ont été passées en six semaines. Sauf que la suspension de cette mesure pose une nouvelle fois la question de la démocratisation de la voiture électrique alors que l’interdiction des moteurs thermiques en Europe est prévue à l’horizon 2035.
L’opération devait se limiter à 20 000 véhicules. Ce sont finalement 50 000 commandes de voitures électriques qui ont eu lieu en six semaines via ce leasing social. “Le succès a été fulgurant simplement car l’offre est très intéressante” explique directement l’économiste Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem.
Il s’agissait d’une forme de location avec option d’achat destinée aux ménages dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur à 15 400 euros par an. L’offre s’adressait à des actifs résidant à au moins 15 kilomètres de leur lieu de travail ou contraints de parcourir plus de 8 000 kilomètres par an pour des motifs professionnels. Si la personne est éligible, l’État verse alors, un “superbonus” de 13 000 euros par véhicule et les ménages doivent eux payer entre 100 et 150 euros par mois, hors assurance.
“Avoir une voiture électrique pour une centaine d’euros par mois, c’est très intéressant et cela rend ce type de mobilité accessible au plus grand monde et en particulier aux ménages modestes” assure Flavien Neuvy. Sauf que le gouvernement a décidé d’y mettre fin. “On voulait en faire 25 000 et on a réussi à en faire le double” rappelle Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique sur Francinfo. L’exécutif a accepté de monter jusqu’à 50 000 véhicules électriques commandés via ce leasing social, mais il y a fort à parier qu’il ait lui-même été surpris par le succès de sa mesure. “Je crois que personne ne l’avait anticipé à ce point-là” confirme Flavien Neuvy. “L’État a une vision très budgétaire” enchaîne-t-il.
Le gouvernement a sanctuarisé un budget de 1,5 milliard d’euros destiné au financement des aides à l’achat de véhicules non-thermiques. Cette somme inclut le leasing électrique, mais aussi le bonus écologique destiné à tous pour l’achat de voiture électrique. Avec 13 000 euros d’argent public par voiture, le succès du leasing social mettait la situation hors de contrôle. “13 000 euros par véhicule, c’est stratosphérique et nous sommes le seul pays à faire ça” rappelle l’économiste. “Surtout avec une dette importante et des finances publiques en difficultés” ajoute-t-il.
“À chaque évolution des aides, il y a un risque de stop and go” s’inquiète Clément Molizon, le délégué général de l'Avere, l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique. Elle regroupe les professionnels du secteur. En effet, à la fin du leasing social, s’ajoute la nouvelle baisse de 1 000 euros du montant du bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique. Il passe de 5 000 à 4 000 euros. “Au départ, le dispositif était de 7 000 euros et il est doucement rogné, car les ventes augmentent et donc les coûts pour l’État aussi ” expose Flavien Neuvy qui ne prévoit pas un coup d’arrêt pour le marché de l’électrique, mais un probable “ralentissement”. “2024 sera un bon test pour mesurer l’impact de ces décisions” résume-t-il.
L'accessibilité à tous de la voiture électrique passera aussi par l’évolution de l’offre des constructeurs”
“Ce qui est important, c’est d’avoir de la lisibilité et de la prévisibilité dans les dispositifs afin que les Français aient du temps pour maturer leur décision” prescrit Clément Molizon. “Pour cela, il faut des dispositifs bien calibrés et bien planifiés” complète-t-il. La leçon de l’arrêt brutal de ce leasing social et de la nouvelle diminution du bonus écologique, c’est que la démocratisation de l’électrique ne peut pas reposer uniquement sur les épaules de l’Etat et ses aides.
“Cette idée que la voiture électrique doit-être accessible à tous passera aussi par l’évolution de l’offre des constructeurs” prévoit Flavien Neuvy. Et le succès du leasing social remet en cause les modèles économiques des constructeurs avec des offres à 40 000 voir 50 000 euros. Néanmoins, les coûts sont déjà en diminution. “Ce leasing social n’aurait pas pu être proposé il y a quelques années, car ces véhicules, produits en Europe à des coûts moins élevés, n'existaient pas” soutient Clément Molizon. “Les constructeurs ont densifié la gamme de véhicules proposés et ils vont continuer à le faire, car ils savent qu’ils ne vont pas vendre que des SUV et que des Berlines” prophétise-t-il.
La démocratisation du véhicule électrique va se faire par le marché de l’occasion
Pour que le leasing social existe, il faut en effet que certains véhicules soient proposés à 25 000 euros ou moins, en Europe. La moins chère du marché, la Dacia Spring est par exemple exclues du dispositif car produite en Asie. Mais certains modèles se sont donc alignés, notamment chez Renault avec la Megane E-Tech et bientôt la R5 qui sera produite dans l’usine de Douai. Le groupe Stellantis représenterait près de la moitié des 50 000 commandes avec notamment Citroën avec la ë-C3 et la ë-C4, Peugeot ou encore Fiat avec la 500e.
En outre, “la démocratisation du véhicule électrique va se faire par le marché de l’occasion” promet Clément Molizon de l’Avere. Et ce marché est déjà en construction, car d’après l’Observatoire La Centrale, l’offre d’annonces de véhicules électriques d’occasion a bondi de 180 % en 2023 par rapport à la fin 2022. Selon l’organisme AAA Data, plus de 400 000 électriques et hybrides d’occasion ont été vendues en France l’an passé.
Reste encore à rassurer les consommateurs. Ce que s’emploi à faire le délégué général de l'Avere. “Il y a une peur sur la batterie, basée sur des expériences douloureuses avec les téléphones ou les ordinateurs portables” reconnaît-il avant de rassurer : “sur les voitures électriques, la batterie perd sa capacité beaucoup moins rapidement et surtout aujourd’hui, on a la capacité d’accéder à la batterie pour lui faire un bilan de santé en testant son niveau d’autonomie”.
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