Le projet de fusion de l'audiovisuel public prend du retard. L’examen à l'Assemblée nationale a été repoussé jeudi. Le secteur est en grève pour s’opposer à cette réforme express et controversée. Elle est censée aboutir à une fusion de l'ensemble du service public d'ici 2026.
Les députés devaient débattre de cette réforme en première lecture jeudi et vendredi. Mais face à un ordre du jour encombré, le gouvernement a choisi de la reporter. Sur le fond, cela ne change rien au contenu de la réforme. Si ce n’est de réduire encore les délais pour une possible mise en œuvre. La ministre de la Culture Rachida Dati veut aller vite pour réunir quatre entités publiques. France Télévision. Radio France, mais aussi l’INA (qui archive les documents audiovisuels et est devenu un vrai média en ligne) et France Médias Monde (RFI et France 24).
Le texte prévoit de créer une holding commune au 1er janvier 2025, puis la fusion complète en 2026 dans une société géante : "France Médias". L’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy s'est appuyée sur une proposition de loi du sénateur centriste Laurent Lafon adoptée en juin 2023 (mais elle ne prévoyait que la création d’une holding).
Mercredi, au Sénat, Rachida Dati a assuré vouloir "pérenniser le service public dans un univers de concurrence exacerbée, avec les plateformes de vidéos à la demande". Elle pointe l’âge moyen des auditeurs et téléspectateur du service public. Ces arguments sont loin de convaincre les salariés et les syndicats.
On ne voit pas en quoi nous regrouper va nous permettre de résister aux plateformes américaines. Il n’y a pas de projet éditorial, cette réforme est un pur projet politique" estime Antoine Chuzeville, délégué SNJ à France Télévisions.
Quelque 16.000 personnes seraient concernées par la réforme, si elle abouti. Au sein de ces quatre entreprises publiques, les craintes sont importantes. "Les salariés sont très inquiets sur les conséquences sociales, car les fusions sont souvent l’occasion pour les dirigeants de réduire la masse salariale" détaille Antoine Chuzeville. Il rappelle aussi que ce projet vient aussi "bousculer des sociétés déjà déstabilisées par la suppression de la redevance il y a deux ans". Le financement de l’audiovisuel public reste flou avec aujourd’hui une part affectée des recettes de la TVA en attendant un éventuel financement sous la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État.
France Médias aurait un budget de quatre milliards d'euros, mais pour l’historien des médias Alexis Lévrier, maître de conférence à l’Université de Reims : "cette réforme n’est pas rationnelle et va coûter de l’argent à l’Etat."
Le sujet d'un rapprochement, voire d'une fusion est récurrent depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017. Une tentative par le prédécesseur de Rachida Dati, Franck Riester avait été stoppée par le Covid-19, mais réactivée avec le dernier remaniement.
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