Harcèlement scolaire : des solutions innovantes pour prévenir et lutter

Le harcèlement scolaire touche en moyenne plus d'un élève par classe. Le chiffre a été donné en février 2024 par le ministère de l'Éducation nationale lors de la publication de sa première enquête nationale basée sur un questionnaire. Précisément, 5 % des écoliers du CE2 au CM2 sont concernés, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens. En 2021, une enquête Ipsos évaluait à 720 000 le nombre d'élèves touchés. La journée nationale de lutte contre le harcèlement est l'occasion de mettre en avant nombreuses initiatives.

Répliquer face aux harceleurs

Emmanuelle Piquet est thérapeute spécialiste du harcèlement, autrice de "Manuel de survie face aux harceleurs et autres brutes de l’école". En séance, elle reçoit d’abord les parents d’enfants harcelés pour comprendre ce qui a déjà été fait, puis l’enfant victime, s’il le souhaite. Elle élabore ensuite avec lui des outils pour répliquer face aux harceleurs. "On va travailler avec eux une stratégie de résistance pour faire changer l'inconfort de côté. Que ce ne soit pas que sur les épaules de l'enfant harcelé. Ce sont des choses très liées à l'autodérision et à l'humour" détaille Emmanuelle Piquet.

La méthode est inspirée des travaux de l’école californienne de Palo Alto. L’objectif est que le harceleur ne voit plus d'intérêt à continuer. "La plupart du temps, les harceleurs le font pour une raison de popularité, pour une raison de réputation, pour une raison de puissance, renforcée par le harcèlement. Ils en ont la perception lorsque l'enfant harcelé souffre" rappelle la psychologue. La victime devient le grain de sable dans la mécanique vicieuse du harcèlement.

Des outils utiles pour la suite 

Selon Emmanuelle Piquet, la méthode est efficace dans 50 % des cas au moins. "Trop souvent, le problème est pris avec un regard d’adulte et par des adultes sans laisser la possibilité d’accompagner les enfants de construire une défense" déplore-t-elle avec des conséquences dans la vie future. "Je reçois pas mal de patients qui sont en souffrance dans l'entreprise avec des faits de harcèlement là encore. Souvent ce qu'ils me disent en début d'entretien, c'était déjà le cas à l'école" constate la thérapeute. 

Une chanson pour libérer la parole 

Souvent, les victimes n’osent pas parler par peur du harceleur, mais aussi pour ne pas embêter leurs parents. Et la prévention dans les écoles et ça peut se faire en chanson notamment auprès des petits. Laure Desbre, ancienne enseignante devenue musicienne, intervient dans les écoles en primaire, mais aussi en grande section de maternelle. Elle est l’autrice de la chanson "Te laisse pas embêter". Et après l’écoute le débat s’ouvre naturellement en classe.

"D'un seul coup, tout le monde lève le doigt. Il y a très peu d'enfants qui restent dans leur coin. Je leur ai demandé de qualifier la chanson avec un mot, et il y a le mot amitié qui est ressorti" témoigne-t-elle. L’idée est de jouer sur l’empathie des enfants pour épauler les copains victimes et les inciter à parler. Mais au-delà, la chanson de Laure Desbre révèle aussi parfois des harceleurs et pourquoi ils harcèlent.

Lors d’une de ses interventions en grande section de maternelle, un enfant a pris la parole pour expliquer qu’il tapait ses copains parce qu’il arrivait le matin avec beaucoup de colère. "Avec la discussion, tout le monde a compris que cet enfant, s'il arrivait avec de la colère, c'est parce qu'il avait vu de la violence à la maison. Il n'arrivait pas à exprimer cette colère et la seule solution qu'il avait trouvée, c'était d'être violent à son tour. D'un seul coup, cet enfant, il n'était plus harceleur. Il devenait victime" explique Laure Desbre. De nombreux spécialistes du harcèlement scolaire recommandent une prise en charge des harceleurs qui ne soit pas seulement répressive.

Depuis 2023 le programme pHARe du ministère est généralisé avec notamment des élèves ambassadeurs dans les établissements du secondaire.  Cette année à nouveau un questionnaire sera distribué à plus de 7 millions de jeunes du CE2 à la Terminale. 

Le 3018 est le numéro d'appel unique pour alerter et signaler les situations de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement.