Le Salon de l’Agriculture a ouvert ses portes samedi dernier. Un grand rendez-vous pour le monde agricole, qui permet de faire découvrir au grand public les réalités de ce milieu, et d’interpeller les politiques sur la crise profonde que traverse le secteur en France.
Pour Henri Bies-Péré, vice-président de la FNSEA, "on peut malgré tout être heureux aujourd’hui en choisissant ce métier. Certains ne le choisissent pas heureusement pour des raisons d’argent. S’ils sont dans une région avec un élevage, des cultures qu’ils aiment bien, les agriculteurs se trouvent bien dans leur métier" explique cet agriculteur des Pyrénées-Atlantiques.
Cela dit, sur cet aspect des revenus, les agriculteurs ne vont pas bien. "Depuis maintenant plus de deux ans, toutes les productions sont passées par une phase de crise aigue. Les intempéries ont fait de mauvais rendements en 2016, en 2017 les rendements étaient meilleurs mais les prix étaient et sont encore au plus bas. Les producteurs de lait sortent à peine de la crise" analyse Henri Bies-Péré.
Ce dernier ajoute que "quand un agriculteur travaille 70 heures par semaine et qu’en fin d’année il constate qu’il a à peine de quoi vivre, qu’il a des difficultés à envoyer ses enfants à l’école et leur promettre quelques jours de vacances par an, c’est vrai que c’est moralement très compliqué à vivre". De là se pose la difficulté d’inciter les jeunes générations à choisir cette branche professionnelle, même si le vice-président concède que "sur une moyenne de cinq ans, six ans, on arrive à faire des revenus".
Henri Bies-Péré confirme par ailleurs l’importance, pour la profession, du Salon de l’Agriculture. "C’est pour cela qu’on attache beaucoup d’attention à la préparation de cet événement. On montre le meilleur de l’agriculture. Toute la partie concours agricoles, ce sont des gens qui préparent leurs animaux toute l’année, qui préparent des produits pour montrer ce que l’agriculture fait de plus beau. Pour les organisations agricoles, c’est aussi l’occasion de mettre en lumière ce qu’apporte l’agriculture. Les 3,5 millions d’emplois qui existent, la contribution au commerce extérieur français, tout cela ne se dit pas assez" lance le vice-président de la FNSEA.
Emmanuel Macron a passé sa journée de samedi dans les travées du salon. "Qu’il y ait passé du temps, c’est plutôt bon signe. Il a été à la rencontre directe des agriculteurs à chaque fois qu’il a été interpellé. Il a pu constater que ce que les organisations lui rapportent est réellement vécu par les gens sur le terrain. Emmanuel Macron l’a montré depuis le début de son mandat, il est courageux. Chaque fois qu’il est interpellé, il ne met pas un cordon de CRS devant lui, il va au contact des gens pour discuter. Par contre il est à un tournant. On a vu beaucoup de choses intéressantes dans les discours, maintenant on lui dit stop, on veut des actes concrets et qui ne contredisent pas les discours passés" précise Henri Bies-Péré.
Revenant sur les Etats Généraux de l’Alimentation, Henri Bies-Péré a qualifié ce moment de "vaste débat, très appréciable, qui a permis aux producteurs, aux consommateurs, aux associations environnementales, aux politiques, de mettre tous les sujets sur la table. Les conclusions nous ont intéressés. Maintenant, nous voulons des actes. On a bien vu que l’esprit des Etats Généraux ponctué par une charte signée par les producteurs, les distributeurs, les consommateurs, était un acte qui ne suffira pas. Cette charte n’a rien changé dans le comportement des distributeurs. La loi doit intervenir pour remettre de l’ordre. Nous verrons le courage des parlementaires, s’ils tiennent compte de nos coûts de production pour fixer les prix".
Jeudi dernier, le président de la République recevait à l’Elysée 800 jeunes agriculteurs, les invitant à faire une révolution culturelle dans l’agriculture, mettant en avant une montée en gamme. "Le mot révolution n’est pas le bon. L’agriculture est en évolution permanente. La révolution ne convient pas à un secteur comme l’agriculture" précise Henri Bies-Péré.
Beaucoup de sujets inquiètent aujourd’hui les agriculteurs. Parmi eux, le Mercosur, les accords commerciaux avec l’Amérique du Sud sur la viande et les exportations de viande en provenance de ces pays. Le président s’est engagé à ce qu’il n’y ait pas de bœuf aux hormones dans nos assiettes. "C’était déjà le cas jusqu’à aujourd’hui. Dans les précédents accords, l’Europe avait fait le choix de ne pas autoriser les hormones dans la production bovine. C’est donc la moindre des choses. Par contre dans ces pays-là, on peut utiliser des productions à base d’OGM, certains produits de traitement sont aussi utilisés. Il faut faire comme pour les hormones, et ne faire entrer que la viande qui est aux normes européennes, au niveau sanitaire" ajoute le vice-président de la FNSEA.
L’un des autres sujets de préoccupation pour les agriculteurs, c’est bien entendu la transition énergétique. "Nous sommes en permanence sur ces sujets-là. Nous avons été dans de très nombreux départements à l’origine de plans photovoltaïques. Il y a aujourd’hui nombre de projets de méthanisation. Là-aussi on se heurte à la réglementation tatillonne française. En Allemagne, il faut deux ans. En France il faut entre cinq et six ans. Là-aussi on attend des actes" conclut Henri Bies-Péré.
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