Fin décembre, la justice française a tranché dans le lard dans l’affaire qui opposait la filière bovine et végétale. Elle a finalement autorisé la filière végétale à utiliser les mots steak, escalopes ou encore nuggets pour vendre ses viande végétales, produits dits « simili-carnés ». Une bonne nouvelle pour les marques qui produisent ces aliments semblables à de la viande, mais à base de végétaux. Depuis plusieurs années, ces viandes dites végétales prennent de plus en plus de place dans les rayons. Mais que valent ces produits ?
Ces dernières années, l’impact de la consommation de viande sur le réchauffement climatique est de plus en plus documenté. Selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’élevage intensif est responsable d’une grande part des émissions de gaz à effets de serre (14,5%), elle est consommatrice d’une grande quantité d’eau et utilise une grande partie des sols.
Face à ces constats, le GIEC et le Programme des Nations Unies pour l’environnement appellent les pays développés à diviser par deux leur consommation de viande. Pour cela, les industriels investissent le domaine des produits « simili-carnés », c’est-à-dire ressemblant à la viande par l’apparence, la texture et l’apport en protéines, mais élaborés à partir de végétaux, tels que le soja, les lentilles ou encore les haricots rouges.
Le marché reste minime (1% par rapport à celui de la viande), mais il grandit considérablement depuis quelques années. La banque britannique Barclays estime qu'il représentera 10% des ventes de viande en 2029. De nombreuses entreprises, y compris celles spécialisées dans le carné comme Herta ou Le Gaulois, s’y sont donc positionnées. « Ils se sont aperçus qu'il y avait une nécessité de changement stratégique de la part de leurs marques pour réussir à pallier cette forte baisse [de consommation de viande] qui sera effective à l’avenir », analyse Lucie Wiart, spécialiste en sciences de gestion et auteure d'une thèse pluridisciplinaire sur les « similis-carnés ».
Plusieurs études ont montré que les viandes végétales présentaient un impact environnemental moindre par rapport à la viande classique. Les émissions de gaz à effet de serre associées à la consommation de 100 grammes de similis-carnés seraient par exemple inférieures de 43% aux émissions de GES pour la viande de volailles et de 90% aux émissions pour la viande de bœuf.
Plus que la viande végétale elle-même, c’est la culture de légumineuses qui entrent dans sa composition, qui présente un intérêt. Alexandre Philipon est fondateur de la petite entreprise Cocoriton, qui fabrique des produits à base de légumineuses comme les fèveroles. « C’est une plante qui a pas mal d’intérêt. Globalement elle a besoin de moins d’eau et de moins de pesticide, parce qu’elle est plutôt résiliente sur les maladies et les ravageurs. Surtout, c’est une plante qui arrive à capter l’azote de l’air et à le fixer dans le sol, contrairement aux autres plantes qui nécessitent un apport extérieur d’azote […], donc ça permet de générer moins de gaz à effets de serre ». Fils d’agriculteur en Picardie, il cherche à valoriser le travail des agriculteurs sans dénigrer la filière de la viande. Pour lui, les légumineuses représentent un secteur d’avenir et un débouché économique intéressant.
Quant à l’utilisation de soja, souvent taxée pour la déforestation qu’elle entraîne, la chercheuse Lucie Wiart rétorque que : « la majorité du soja produit en Amérique du Sud l’est pour nourrir les animaux d’élevage à un coût moindre. Ensuite, le soja est utilisé pour l’alimentation végétale est souvent issu de l’agriculture biologique et est produit en Europe et en France ».
La viande végétale est donc meilleure pour la planète, mais l’est-elle pour la santé ? La question se pose d’autant plus que la surconsommation de viande rouge transformée est considérée comme probablement cancérigène depuis 2015 par le CIRC, le centre international de recherche contre le cancer. Alors, quitte à réduire, voire remplacer la consommation de viande, autant que cela soit bénéfique d’un point de vue nutritif.
Pour répondre à cette question, nous avons consulté Amandine Blachon, diététicienne spécialisée dans le sport à Lyon. Elle a décrypté plusieurs étiquettes : l’une de steak végétal, l’autre de nuggets végétales (l’un des best-sellers des similis-carnés) et les boulettes de kefta végétales. Si le steak présente un bon apport en matière de protéines (13gr) et en terme de fibres (là où la viande n’en a que très peu), la part de matières grasses y est grande et représente près de 22% de la part journalière recommandée. Autre constat : « les substituts végétaux c’est des produits qui sont très souvent très salés » voire parfois très sucrés, analyse la diététicienne. Elle conseille de bien lire les étiquettes et recommande plutôt de consommer des légumineuses brutes et non transformées.
Elle n’est d’ailleurs pas la seule à mettre en garde face à l’ultra-transformation des produits. En 2022, l’Organisation mondiale de la santé invitait à la méfiance vis-à-vis des aliments ultra-transformés, et ce même s’ils sont d’origine végétale. Concernant la différence nutritive entre la viande classique et ces viandes végétales, peu d’études s’y sont intéressées pour le moment. Il n’est donc pas possible de déterminer si consommer ces produits simili-carnés permet de réduire les maladies chroniques.
Quoiqu’il en soit, Lucie Wiart, Amandine Blachon et Alexandre Philipon s’accordent sur un point : les similis-carnés n’ont pas vocation à être consommés sur le long terme. « La viande végétale est beaucoup vue par les consommateurs comme un objet de transition. Donc on va beaucoup l’utiliser pour s’aider à transitionner vers une alimentation plus végétale et on ne va pas le considérer comme quelque chose à conserver sur le long terme », estime Lucie Wiart.
Mais il existe encore un frein à cette transition : le prix. Car les viandes végétales sont jugées très chères par les consommateurs. Comptez 3 à 4€ un steak de soja. Un prix qui ne s’explique pas par le coût des matières premières qui ne sont pas onéreuses, mais par la transformation et le marketing.
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