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Incendies : comment les sapeurs-pompiers anticipent un nouvel été record

Un article rédigé par Charlotte Mongibeaux - RCF, le 20 juin 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Le dossier de la rédactionLes sapeurs pompiers se préparent à un nouvel été à haut risque

L’an dernier, 72.000 hectares de forêt et d’espaces naturels sont partis en fumée en France. Sept fois plus que la moyenne de ces dix dernières années. Jamais les sapeurs-pompiers n’ont dû autant se préparer aux feux de forêts et de végétation.

Un camion-citerne forestier dans le camp d'entraînement des sapeurs-pompiers du Rhône, dans la forêt de Chamelet, dans le nord du département du Rhône, le 30 mai 2023 ©Benoît Lhotte / RCF LyonUn camion-citerne forestier dans le camp d'entraînement des sapeurs-pompiers du Rhône, dans la forêt de Chamelet, dans le nord du département du Rhône, le 30 mai 2023 ©Benoît Lhotte / RCF Lyon

Vous avez sans doute encore en mémoire ces photos de vacanciers, de familles sur la plage, en maillot de bain au bord de l'océan Atlantique. Derrière le premier plan idyllique, une dense fumée noire masque l’horizon. Ce sont les 7.000 hectares de forêts de la dune du Pilat, dans le bassin d’Arcachon, en proie aux flammes pendant plusieurs semaines en juillet 2022. Des images apocalyptiques qui en cachent bien d’autres en Bretagne, dans le Jura, ou encore dans les Bouches-du-Rhône.

 

Et la menace est déjà réelle en France puisque fin mai, plus de 20.000 hectares de forêt et de végétation étaient déjà partis en fumée, soit deux fois la taille de la ville de Paris. Les départs de feu se multiplient en raison de la sécheresse. Une vingtaine de zones sont placés en crise sécheresse en France, le niveau maximal.

 

 

On va avoir un climat en France qui ressemblera au climat marocain dans quelques années

 

 

Sécheresse, chaleur et vent : un cocktail explosif qui transforme une étincelle en méga-feux

 

"On va avoir un climat en France qui ressemblera au climat marocain dans quelques années", souligne la cheffe des sapeurs-pompiers du Rhône et de la métropole de Lyon, Zemorda Khelifi. Parmi les outils pour s’y préparer, l’entraînement et la formation des sapeurs-pompiers partout en France sont en premières lignes. "Avant, cela ne concernait que les départements du Sud, maintenant nous avons le même niveau de préparation qu’eux", rajoute Emmanuel Clavaud, contrôleur général du Service départemental-métropolitain d'incendie de secours (Sdmis) du Rhône.

 

Un enjeu devenu national puisque les sapeurs-pompiers peuvent être mobilisés en colonne de renfort, c’est-à-dire porter assistance à leurs confrères dans d’autres départements. Ils doivent se tenir prêts à partir du mois de juin jusqu’au mois d’octobre, alors qu’il y a dix ans, "nous n’étions mobilisables pour les feux de forêt qu’en juillet et août", complète Emmanuel Clavaud. Dans le Rhône, les sapeurs-pompiers sont intervenus treize fois hors de leur département en 2022. Un record.

 

Apprendre à manœuvrer des poids-lourds forestiers

 

Tous les ans, dans le Rhône, 150 sapeurs-pompiers, professionnels comme volontaires suivent une formation pour apprendre à piloter des camions citernes forestiers. Des sortes de camions de pompiers améliorés, des monstres de 14 tonnes capables de transporter 5.000 litres d’eau et de traverser des obstacles tels que des pentes de 50%.

 

Ils sont utilisés pour éteindre le feu mais aussi pour sauver la vie des sapeurs-pompiers encerclés par les flammes. Ces camions-citernes modernes possèdent un module d’auto-protection. "Quand on est pris par un feu, il ne faut surtout pas partir en courant mais il faut se replier dans l’engin", détaille le lieutenant-colonel François Drobacheff, du Sdmis du Rhône. À l’intérieur, il y a de l’air respirable et des masques, à l’extérieur, de la vapeur d’eau permet de protéger l’équipage et de refroidir le moteur. "Comme une douche géante qui permet aux pompiers de tenir cinq, six minutes. Cela laisse au feu le temps de passer", rajoute François Drobacheff. Son équipage l’a testé sur le feu de Gonfaron (Var) en 2021 avec succès. Un nouvel équipage auquel il faut se former, et qui pourrait réduire le nombre de sapeurs-pompiers blessés ou qui perdent la vie.

 

 

→ À LIRE : Grégory Allione, le "chef des pompiers"

 

 

Des services d’incendies et de secours en difficulté financière

 

S’équiper et se former en amont d’été de plus en plus caniculaires, cela pose la question des moyens dont disposent les Sdis (Services départementaux d’incendie et de secours) en France. Un camion-citerne forestier de taille moyenne, comme celui utilisé pour entraîner les sapeurs-pompiers du Rhône, "coûte 250.000 euros", nous précise Zemorda Khelifi.

 

Le département en possède une trentaine, accompagnés de dizaines d’engins de liaison et d’engins de support, à savoir des camions positionnés pour puiser de l’eau et réapprovisionner au cours du feu. Un arsenal que les Sdis ne peuvent supporter seuls. Pour la patronne des sapeurs-pompiers du Rhône, l'État ne prend pas sa part, et ces nouveaux investissements retombent tant bien que mal sur les collectivités locales et territoriales. Il faudrait donc "organiser un Beauvau de la sécurité civile. Ce n’est pas la priorité [du gouvernement] et c’est bien dommage".

 

D’autant plus que les Sdis sont confrontés à une autre difficulté : la diminution du nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Entre 2005 et 2020, 7.000 personnes ont rendu le tablier. Une crise de la vocation qui tombe mal, amplifié par une indemnité qui ne pèse pas lourd à l’heure de l’inflation.

 

Neuf feux sur dix d’origine humaine

 

Pour combattre les feux de forêt de cet été, il faut d’abord anticiper. Former les sapeurs-pompiers, gérer les espaces naturels et forestiers plus durablement, avec des essences plus résilientes face au dérèglement du climat, mais aussi améliorer l’entretien des forêts. "Ce qui compte c’est l’accès. On l’a vu [l’an dernier] dans le bassin bordelais qu’il y avait beaucoup de forêts privées, pas entretenues, dont certains ne savent même qu’elles sont à eux", pointe du doigt le président du département du Rhône, Christophe Guilloteau.

 

Et puis il ne faut pas oublier que la grande majorité des feux sont d’origine humaine, souvent à cause d’un mégot de cigarette jeté à l’orée d’un espace naturel, déplore Emmanuel Clavaud, contrôleur général du Sdmis du Rhône. Ensuite viennent les mauvais comportements en forêts et le manque d’information sur le danger. Il faut donc se référer à la Météo des forêts, nouvel outil lancé par Météo France avant de s’élancer cet été. 

 

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