Après l'attaque d'Israël par le Hamas, le monde a, encore une fois, les yeux rivés sur le Moyen-Orient. Plus précisément la bande de Gaza, dirigée par le Hamas depuis 2007, suite à une guerre fratricide avec le Fatah. Depuis 1987, le mouvement, qualifié de terroriste par la plupart des pays occidentaux, n’a cessé de gagner en puissance, sans jamais reconnaître l’existence d’Israël et en prônant la lutte armée. Décryptage.
Depuis 2008, le Hamas est à l’origine d’au moins quatre guerres avec l’État hébreu, auxquelles il faut maintenant rajouter celle de 2023, déjà qualifiée de “11 septembre israélien”. Voici cinq questions pour comprendre comment ce mouvement est devenu l'ennemi numéro 1 d’Israël.
Dans sa forme actuelle, le Hamas existe depuis 1987, mais ses origines idéologiques remontent à 1928. “Le Hamas est l’émanation du mouvement Les Frères Musulmans créé en 1928 en Egypte par Hassan al-Banna” explique Jean-Claude Lescure, professeur des universités en histoire contemporaine à l'université de Cergy-Pontoise, spécialiste du Moyen-Orient et auteur du "Conflit Israélo-palestinien en 100 questions" (éd Texto). L’objectif des Frères Musulmans est simple : ré-islamiser les sociétés où l’Islam est à ses yeux mal pratiqué.
Le Hamas va occuper le terrain à Gaza et aller vers la population palestinienne de la première Intifada
C’est donc dans cette mouvance que le Hamas est formalisé en 1987, au moment de la première intifada. “La nouveauté est que cette première intifada est animée par les Palestiniens de l’intérieur, ceux qui vivent à Gaza et en Cisjordanie et qui se sont éloignés de l’organisation externe, l’OLP“ expose Jean-Claude Lescure. "Il décide d’occuper le terrain et d’aller vers cette population de l’Intifada.” Alors que les Frères musulmans était un mouvement actif socialement, dans l’éducation, les mosquées, les services sociaux, le Hamas va chercher à se faire une place dans le champ politique.
Le Hamas se construit en opposition aux Accords d'Oslo de 1993. Son programme : l’Etat d’Israël n’existe pas, il doit être détruit. Pour cela, il va finir par prendre les armes et mener des opérations aujourd’hui qualifiées de terroristes.
Pour faire son lit, le mouvement va s’occuper de la population gazaouie, celle de la première intifada, qui s’achève avec les Accords d’Oslo. “Le Hamas est extrêmement habile avec la population palestinienne, car il mène une politique d’encadrement des populations” précise Jean-Claude Lescure. “On parle de services de proximité, de dispensaires, d’écoles à l’intérieur des mosquées avec un enseignement religieux”. Résultat : en 2007, le mouvement politique du Hamas bat à Gaza l’autre mouvement palestinien, le Fatah, dirigé aujourd’hui par Mahmoud Abbas, lors des élections pour le Conseil palestinien. Le Fatah garde le contrôle de la Cisjordanie tandis que le Hamas va prendre les armes pour s’imposer totalement à Gaza.
C’est après les accords d'Oslo que le Hamas décide de prendre les armes. Et au départ, il y a une erreur d’Israël. En 1992, les services de renseignement de l’Etat hébreu expulsent vers le Liban 300 militants palestiniens, dont un personnage clé : Ismaïl Haniyeh, qui est aujourd’hui le patron de la branche politique du Hamas. “C’est une erreur magistrale des services israéliens, car ces expulsés se sont rapprochés du Hezbollah pour s'entraîner à la tactique militaire et au maniement des armes” analyse Jean-Claude Lescure. Revenus à Gaza après leur exil, ils vont démultiplier le savoir-faire et donc la puissance de frappe du Hamas.
À partir de 2003, le Hamas va se doter d’une milice, le bras armé du mouvement, dirigé par le commandant Mohammed Deif, à l’origine des attaques aujourd’hui. Après la victoire politique dans les urnes en 2007, c’est par les armes que le Hamas choisit de chasser son adversaire politique, le Fatah, de Gaza. Cela conduit à une guerre civile qui fait entre 300 et 600 morts dans les rangs palestiniens. Le Hamas reste ensuite seul maître à Gaza, territoire qu’il gouverne aujourd’hui et depuis lequel il pilote les actions contre Israël.
Parmi les États arabes, il n’y a pas de soutien officiel au Hamas. “Ils se défient de ce courant des Frères Musulmans, car c’est l’incarnation d’un Islam politique qui menace les équilibres institutionnels” pointe notre historien. Pas de soutien officiel donc, mais des financements au territoire de Gaza, de la part du Qatar par exemple, sous contrôle du Hamas. Selon Jean-Claude Lescure, le Hamas reçoit donc indirectement 30 millions d’euros par mois de la part des pays du Golfe. “Il s’agit de faire fonctionner toute la machine administrative et l’économie locale pour ne pas menacer la paix sociale”.
Si l’Arabie Saoudite reconnait la légitimité d'Israël, c’est l’effondrement de la légitimité du Hamas
Au-delà des États arabes, “il y a le cas de l’Iran, qui voit dans le mouvement du Hamas un facteur de déséquilibre de ses adversaires, dont Israël et d’autres pays arabes de la région”. L’Iran va donc conseiller, aider, financer le Hamas de manière clandestine. On parle même d'entraînement militaire.
Le jeu diplomatique est la principale raison avancée par les observateurs pour expliquer l’opération massive déclenchée par le Hamas ces derniers jours. “Le contexte est singulier avec les accords d’Abraham de 2020 qui actent la reconnaissance d’Israël par les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn ou le Maroc” analyse Jean-Claude Lescure. À cela s'ajoutent des négociations avancées avec l’Arabie Saoudite. Cette situation isolerait encore plus le Hamas dans le monde arabe. L’un des objectifs du Hamas est de convaincre Riyad de ne pas se rapprocher d’Israël.
“Pour un mouvement islamiste radical sunnite comme le Hamas, si l’Arabie Saoudite, gardienne des lieux saints de la Mecque et de Médine, reconnait la légitimité des juifs comme un peuple à disposer d’un état-nation, c’est l’effondrement de sa légitimité” complète le géopoliticien Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po Paris, et auteur des 100 mots de la guerre, aux Presses Universitaires de France.
Pour bien comprendre l'actualité, il faut la décoder. Chaque matin, les journalistes analysent, accompagnés d’un expert, un fait d’actualité pour en identifier tous les enjeux.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !