Jean-François Colosimo est historien, essayiste, enseignant à l’Institut Saint Serge, et directeur des éditions du Cerf. Les éditions du Cerf viennent de publier une imposante somme intitulée 'Aveuglement', qui décortique les relations entre religions et classe politique en France, à la lumière de son histoire. Un livre dédié aux plus pauvres, aux enfants et aux femmes victimes de carnage de l’autre côté de la Méditerranée.
'Aujourd’hui, quand on ouvre sa radio, son journal, son téléviseur, on tombe sur les nouvelles, où l’on explique que chaque jour, l’on tue au nom de Dieu, on assassine au nom de Dieu et effectivement c’est le point de départ de ce livre' explique Jean-François Colosimo. Récemment, vendredi dernier, un commando attaquait l’ambassade de France au Burkina Faso…
Pour Jean-François Colosimo, ces terroristes qui tuent au nom de Dieu sont paradoxalement les héritiers des Révolutionnaires français de 1793 et des nihilistes russes de 1905. 'C’est un paradoxe. C’est ça l’aveuglement. On accuse le Moyen-Âge. On dit que Daech, c’est le Moyen-Âge comme s’ils étaient sortis de cet univers barbare et sombre. Mais cette représentation du Moyen-Âge est due aux Lumières qui ont pris cette époque comme un repoussoir. Quand vous regardez bien, les terroristes ce sont les compagnons de Robespierre. Ce sont eux qui font de la Terreur une politique. Ce qui se passe derrière, c’est que le monde moderne dit vouloir chasser Dieu et la religion. Elle n’a jamais cessé. On la réinvente. Robespierre crée le culte de l’être suprême. Lénine est embaumé pour l’éternité sur la Place rouge' analyse le directeur des éditions du Cerf.
Ces terroristes islamistes n’auraient donc rien à voir avec Dieu, mais plutôt avec une nouvelle façon de conceptualiser la religion. 'Ce sont des nihilistes. La mort est leur Dieu. L’attentat suicide c’est l’accomplissement de ce nihilisme. Évidemment, ils ont quelque chose à voir avec l’islam et il y a des questions qu’il faut poser aux musulmans dans le respect fraternel pour savoir pourquoi l’islamisme connait une expansion qui aujourd’hui encore malheureusement est extrêmement forte. Mais il ne faut pas se méprendre : ces jihadistes sont aussi les enfants des totalitarismes mis en place par l’Occident. Ce sont des hybrides' ajoute l’essayiste.
Pour Jean-François Colosimo, les Lumières sont donc responsables de ces maux modernes. 'Je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points. Ce que je vois, c’est qu’on nous serine une espèce de mythologie insensée. La France aurait commencé en 1789, la liberté en 1793, il n’y aurait pas d’antécédents. C’est ce qu’avait bien montré le pape Benoît XVI lors de la conférence de Ratisbonne très mal comprise. Le pape voit bien qu’il y a une histoire de la raison, beaucoup plus vaste que cette raison moderne. Les efforts de réflexion sur la rationalité et la foi au Moyen-Âge, c’est une page splendide de l’humanité, ce n’est pas une page sombre. Il faut que la France sache qu’il y a des liens très forts entre la monarchie et la république, qu’il y a une continuité de pensée' précise-t-il.
Se réconcilier avec son histoire, 'c’est un tout' pour Jean-François Colosimo. Mais également se réconcilier avec nos racines chrétiennes. 'La France est multiple. Est-ce-que la France peut se penser sans son empreinte catholique qui l’a façonnée pendant des siècles ? La réponse est non. On ne refait pas le match historique. Cela ne veut pas dire que tout le monde doive aller à l’église, mais que la France est impensable sans cette part catholique qui a aussi façonné la littérature, l’histoire, l’art, la philosophie et tout le reste' lance l’historien.
'Ce que je note, c’est que quand le père Hamel a été assassiné, ce sont les évêques qui ont assuré le discours de la paix civile en France, alors que l’Etat était aux abonnés absents. Cela a été la force de l’épiscopat. Le sursaut que j’appelle, il n’est pas seulement spirituel, il est aussi culturel, politique. Le véritable sursaut spirituel, c’est lorsqu’on va renouer avec des catholiques si au lieu de se demander s’ils doivent être en politique ou pas, vont se remettre à écrire des romans. Le génie des catholiques, c’est la culture, la meilleure des politiques' explique Jean-François Colosimo.
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