Il a 60 ans, jour pour jour, disparaissait l’acteur et comédien Gérard Philipe, à l’âge de 36 ans. A cette occasion, Stéphanie Gallet reçoit Jérôme Garcin, journaliste, écrivain, animateur du "Masque et la Plume", auteur de "Le dernier hiver du Cid" (éd. Gallimard). Gérard Philippe dont Jérôme Garcin est presque un intime, puisqu’il est le père de son épouse. De ce fait, mais également de part sa carrière fulgurante, Gérard Philipe compte beaucoup pour l’écrivain qui lui rend hommage dans ce livre. Mais en 2019, qui connaît encore Gérard Philippe ?
"C’est malheureusement assez inquiétant. Ce pays a la faculté d’oublier. C’est assez triste. Depuis que j’ai sorti ce livre, je rencontre beaucoup de gens, y compris des jeunes. Et je peux vous dire que la tranche 20-25 ans ne sait pas qui est Gérard Philipe. En même temps, je ne peux pas leur en vouloir" explique Jérôme Garcin, s’offusquant cette fois-ci pour autre chose : l’absence de Gérard Philippe et de son œuvre lors du dernier Festival d’Avignon, cet été. Lui qui l’a tant incarné.
Avec un tel livre, Jérôme Garcin a donc voulu à la fois rendre justice à Gérard Philipe, et rappeler "la modernité de ce jeune homme dont on ne peut plus voir ni les pièces et très peu les films malheureusement. Pour moi c’est un jeune homme, pas parce qu’il est mort à 36 ans, mais parce qu’il incarne des valeurs théâtrales, morales, qui n’ont plus court que j’ai envie de remettre au goût du jour".
Jérôme Garcin a déjà écrit sur son père, sur son frère, sur leur disparition. Aujourd’hui, il s’attaque à son beau-père. "Dans tous les cas, sauf Gérard Philipe, j’étais d’une liberté totale. Mon principe est d’essayer de raconter le plus précisément possible des vies très brèves : mon jumeau Olivier renversé sous mes yeux par une voiture à moins de six ans, la chute de cheval de mon père à 45 ans. Dans le cas de Gérard Philipe, c’était un peu différent. C’est mon beau-père. J’ai connu la veuve de Gérard avant de connaître sa fille. J’abordais une terre pleine de secrets. Malgré tout, je me sentais redevable d’une histoire qui me dépasse" lance-t-il, précisant avoir demandé l’autorisation de son épouse pour l’écriture du livre.
L’occasion également de rappeler l’immense succès de Gérard Philipe, en France et dans le monde. "Pour la France d’après-guerre, ce jeune homme à la beauté irradiante est l’ange de Sodome et Gomorrhe. Il incarne la pureté dans laquelle la France veut se reconnaître dans les années 50. Ensuite vient le cinéma, qui a fait de lui une vedette romantique presque universelle dont le succès va de Paris au Japon. Et puis enfin il y a le choix du théâtre national populaire, qui fait de lui une figure morale avec un principe : amener le plus grand nombre vers les plus grands textes du répertoire" analyse-t-il.
Le fondateur du TNP, Jean Vilar, restera d’ailleurs le père spirituel de Gérard Philipe, qui avait des rapports compliqués avec son propre père, du fait d’une divergence politique profonde durant la Seconde Guerre Mondiale. "Jean Vilar, c’est celui qui l’aura bousculé jusqu’à la fin. Il lui aura donné une ossature, une armature morale qui définit le mythe Gérard Philipe" analyse encore le producteur et animateur du Masque et La Plume. Un comédien engagé, comme on n’en fait plus.
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