Rien ne va plus au tribunal pour enfants d'Angers. A cause d'un sévère manque de magistrat, le fonctionnement de l'institution va être dégradée, comme à l'époque du Covid. Au risque, cette fois-ci, de violer la loi. C'est ce que dénonce les avocats du barreau d’Angers. Explications.
La situation se tend au tribunal pour enfants d’Angers. Depuis le mois d’octobre dernier, l’institution doit fonctionner en situation dégradée par manque d’effectif. Un état de fait qui devrait durer plusieurs mois, jusqu’en septembre 2025. Les causes sont simples : trois magistrats vont partir en congé maternité et seuls deux remplaçants arriveront en janvier prochain.
Une situation qui complique fortement le fonctionnement du tribunal. En temps normal, les six cabinets sont déjà débordés par le nombre de dossiers qu’ils doivent gérer (entre 400 et 500 familles chacun). Face à ce manque d’effectif, les chefs de juridiction ont donc décidé d’improviser.
Pour faire face à cette situation, et gagner du temps dans les procédures, les instances du tribunal ont donc tranché dans le vif et décidé de supprimer les audiences de l’assistance éducative. C’est-à-dire, ce qui se rapporte aux mesures de protection de mineurs, de placements d'enfants ou d’intervention d’un éducateur au sein de familles fragilisées.
Vent debout contre cette décision, les avocats angevins ont tiré la sonnette d’alarme. Sans audience, « on n'aboutit pas au même résultat. La richesse dans les débats, les échanges, n’est pas la même » regrette Me Frédéric Raimbault, bâtonnier du barreau d’Angers. En effet, difficile de faire accepter aux parents et aux enfants des mesures de placement sans que toutes les parties se soient exprimées, même si des observations écrites pourront toujours être effectuées.
« Dès qu'il y a un grain de sable dans la machine, comme des congés maladies, congés maternités, ça met en péril toute l'organisation du tribunal » se désespère Me Raimbault. L’avocat, loin de blâmer les magistrats, pointe le manque de moyen accordé par l’Etat à la justice et dénonce une « clochardisation » du monde judiciaire, formule employée en 2016 par l’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas.
Une nouvelle organisation dégradée héritée de l’époque Covid. Problème : aujourd’hui, ces mesures ne sont plus conformes à la loi selon le barreau d’Angers. Pire, les avocats craignent de voir cette situation se répéter.
Ce que l’on refuse, c'est que cette façon de réorganiser et de pallier au manque d’effectif chronique en magistrat, en personnel de greffe, devienne une sorte d'habitude et qu'on en vienne à rogner des garanties procédurales au motif qu'il faut absolument absorber les dossiers.
La profession a donc décidé de se mobiliser. Le barreau d’Angers va alerter députés et sénateurs de Maine-et-Loire. Sur un plan plus technique, il propose une aide aux avocats angevins pour contester des conclusions prises sans audience dans ce type d'affaires.
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