Angoulême accueille dessinateurs, auteurs et éditeurs pour la 52e édition du festival international de la bande dessinée jusqu’au dimanche 2 février. Edmond Baudouin, participant, est l’auteur avec Vincent Gelot, responsable local de l'association L'Œuvre d'Orient, de Syrie. Des pierres et de la vie chez Gallimard Jeunesse. Une œuvre qui témoigne de l’évolution des thèmes du 9e art. La bande dessinée de rencontres avec des communautés chrétiennes du pays qui permet aux civils de témoigner.
L'ouverture à tous et à tous les sujets caractérise la bande dessinée aujourd'hui. Davantage que la diffusion plus large d'œuvres iconiques anciennes, à l’instar d’Astérix et Obélix, le phénomène qui conduit l’évolution du 9 art est simple : la bande dessinée embrasse désormais l'actualité.
Tous les thèmes y passent : la paysannerie, l'immigration… Mais plus novateur, la bande dessinée crée un sens du commun et rassemble plus largement encore que par le passé en devenant un vecteur préférentiel pour créer un terreau commun sur les sujets internationaux et de géopolitique. L’art permet de partager « à des gens qui ne partagent plus rien », dans le cas de "Syrie. Des pierres et de la vie". Et ce, grâce à la magie de la démarche artistique du dessin. « Avec le dessin, c'est comme magique pour les personnes quand on est avec eux, qu'on les dessine, qu'on fait leur portrait », souligne Edmond Baudoin. Ou du pouvoir que le récit du 9e art permet par rapport aux autres, notamment « dans une situation où quelquefois la photo est impossible, interdite (…) est très compliquée. Alors que le dessin, ça peut être là. En Syrie, c'est le cas aussi » confiait Edmond Baudoin.
Plus que la dimension de divertissement ou de jeu que peut avoir la bande dessinée, l’auteur a découvert et voulu rendre compte d’une réalité pour en dénouer le fil et projeter vers l’avenir. « Je ne fais pas un scénario. Je rencontre les gens, je fais leur portrait, je leur donne le portrait en échange d'une réponse à une question », affirme-t-il.
Le fil narratif de la bande dessinée permet un message percutant, de donner vie à une réalité parfois froide et lointaine. L’auteur partageait « ce que j'ai découvert en Syrie, c'est que des gens n'ont plus rien. Ils sont très pauvres et ils touchent le béton, on pourrait dire, de la vie. Ils touchent. ». De la Syrie, il retient la leçon d’humanité qui rendait l’investissement de la bande dessinée sur cette réalité comme une évidence, le parfait reflet de ce vivre-ensemble.
Edmond Baudoin s’est rendu en Syrie en mai 2023, donc bien avant les événements récents succédant à la chute du régime de Bachar Al-Assad, suite à sa rencontre avec Vincent Gelot, responsable de l'œuvre d'Orient pour la Jordanie, du Liban et de la Syrie.
Nourri des séjours de l’auteur à Damas, à Alep, en passant par Palmyre qui ont nourri son dessin, Syrie. Des pierres et de la vie permet de partager des nuances, des spectres de dégradation : « Il y a des endroits où les gens ont pu continuer, à vivre, normalement non, parce que, non, ça c'est pas vrai, mais qui ont été, disons, moins abîmés que le reste. Une partie a été complètement rasée. ». La BD rend tangible ces expériences à travers le langage et action tout à la fois. « Les religions sont très très fortes, toujours très présentes dans les êtres humains (…) qu’elles soient musulmanes, chrétiennes. La question de la religion ne se pose pas. ». La BD a le pouvoir de sanctuariser la vie, des tranches de vie et leurs mystères dans une production artistique.
Dépeindre dans un art initialement en noir et blanc, une réalité même sombre, permet de la reconnaître pour construire l’avenir. « C'est souvent les chrétiens les plus pauvres qui sont restés. Ou alors des jeunes gens, des architectes, par exemple, qui ont une mission, qui se sont donnés comme mission de reconstruire là où ils peuvent, pour que les gens, qu'ils soient musulmans ou chrétiens puissent revenir », à rebours du rêve que l’on attribue souvent d'être de nouveaux migrants dans nos pays où on n'en veut pas.
La BD permet de donner une voix, même au-delà des sanctions gouvernementales. « On fait des sanctions à des gouvernants, mais seulement en vérité c'est les peuples qui en souffrent le plus, et ça c'est quelque chose de terrible. Parce que les peuples ne comptent jamais dans les rapports économiques des gouvernements et même de l'Europe. ». Elle est l’« énergie » que l’on retrouve sur le terrain et qui donne goût et couleur à une réalité que les acteurs cherchent à changer davantage que fuir. Une lumière sur l’enseignement qui peut être souvent le saut à une nouvelle case d’une part, lumière qui met en valeur des réalités étonnantes qui le permettent d’autre part.
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