En 1954, L’Abbé Pierre passait un appel sur Radio Luxembourg pour aider les sans-abri lors des nuits glaciales. Un élan de solidarité était alors né.
"Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée…
Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant tant d'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent !”
Ces mots ont été prononcés par l’Abbé Pierre, fondateur de la communauté Emmaüs. En 1954, alors qu’un froid glacial et meurtrier s'installe dans toute la France, "l'apôtre des sans foyer” décide de prononcer un discours qui marquera encore 70 ans plus tard.
Pour l'occasion, la communauté Emmaüs Bourg Servas a décidé de se remémorer cet appel en organisant un rassemblement vendredi 2 février devant l’hôtel de ville de Bourg-en-Bresse. L’occasion de rappeler les combats menés au quotidien face aux nombres de sans-abri.
Nous avons rencontré trois compagnons de la communauté Emmaüs qui nous ont partagé leur histoire et leur façon de penser.
Aujourd’hui c’est l’un des rares compagnons restants à avoir connu l’Abbé Pierre, alors qu’il accompagnait un ami journaliste interviewer l’Abbé à Esteville.
On a discuté pendant deux heures. Et un mois après, je quittais tout pour le rejoindre à Esteville et j’ai passé 5 ans avec lui là-bas. Et après je suis parti un peu dans toutes les communautés en France et en Europe.
Après de nombreuses actions aux côtés de l’Abbé, Jerry le quitte pour d’autres communautés.
Un jour il m’a appelé dans son bureau. Je me demandais ce que j’avais fait, car on disait toujours que lorsqu’il nous appelait, c’est qu’on avait fait une petite connerie. Mais non, c'était pour me dire simplement qu’il fallait que je parte et que j’aille transmettre ce que je savais faire à d’autres compagnons.
C'est avec émotion que Jerry raconte au micro de RCF les souvenirs qu’il partage avec son “deuxième père”.
C’est quelqu'un qui m’a appris à découvrir ce qu'est le social, ce qu'est de tendre la main aux autres. Il nous manque beaucoup, on peut pas oublier l’Abbé. Quand je me lève le matin, j’ai toujours une pensée pour lui. On est fier de ce qu’il a fait et je pense qu’il serait fier de nous, de voir qu’on a continué.
Alors depuis 39 ans, Jerry essaie de transmettre les valeurs inculquées par l’Abbé aux autres compagnes et compagnons. Il raconte son histoire, celle de l’Abbé et les combats qu’ils ont menés. Pour autant, Jerry reste pessimiste quant à l’évolution des sans-abris.
Aujourd’hui on parle de migrations, on parle des personnes à la rue. Il y a encore des gens malheureusement qui meurent, on n'en parle pas. Et ça, ça me choque toujours. On a des gouvernements qui nous disent qu'il y aura 0 SDF alors qu’il y en a toujours autant. Le pire c’est qu’on a des familles et des personnes âgées à la rue. Je ne pense pas que ça s'améliore, je pense au contraire que ça va aller de pire en pire.
Amadou a découvert la communauté Emmaüs de Bourg Servas il y a plus de 3 ans. A cet époque, il était demandeur d’asile à Villars-les-Dombes, lorsqu’il fait la connaissance d’un bénévole de la communauté. Quelques mois après, il l'intègre en tant que compagnon. Il y apprend l’histoire de l’Abbé Pierre et de ses combats, qu’il voit désormais comme une motivation quotidienne. Aujourd’hui membre actif dans le Conseil Administratif de la communauté, Amadou s’épanouit.
En arrivant je ne connaissais même pas ce monsieur, mais je dirais que s’il avait créé sa propre religion peut être que le monde allait le suivre. C’est un demi prophète. Ses mots, ses paroles, restent toujours et resteront toujours éternels.
Pour Amadou, la découverte de la communauté et de l’Abbé Pierre est comme une renaissance. Il nous confie sa gratitude et sa reconnaissance.
Ça me donne envie de revivre encore. C’est pas en baissant les bras qu’on peut y arriver. Les choses quand ça te tient à cœur tu peux y arriver, sauf si tu ne veux pas. Dans la vie il faut savoir comment vivre chaque jour. On vit qu’une seule fois, et ici, j’ai appris à vivre.
Il insiste sur l’entraide et la solidarité pour changer les choses. Pour lui, ce ne sont pas aux gouvernements et aux politiciens de changer les choses. Mais bien à nous, ensemble.
C'est l’union qui fait la force. C’est en s'unissant qu’on changera les choses. Ce sont les politiques qui nous divisent. Ils ne gouvernent pas la Terre, c’est nous les humains qui les faisons gouverner.
Il y a 2 ans, Nicole était à Paris, logée en dépannage chez des amis. Malgré ses appels quotidiens au 115, aucune place n’était disponible pour la jeune femme. Elle prend alors contact avec la communauté Emmaüs Bourg Servas où une chambre se libère. A son arrivée, elle a ressenti un second espoir.
Vous savez, quand vous êtes dans la rue, vous n’avez pas la joie, vous n’avez pas la paix. Il n'y a rien de bon. Mais depuis que je suis arrivée, vraiment je suis bien. On ne manque de rien. Tout ce dont nous avons besoin, on nous le donne.
Nicole souhaite à l’avenir avoir ses papiers pour pouvoir travailler pour la France.
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