La flèche de Notre-Dame entourée d’un chapelet, le projet fou qui n’a pas vu le jour de René Bouchara

Le 15 avril 2019, le monde entier retient son souffle alors que la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris s’écroule, sa charpente dévorée par les flammes. Dans le cadre de la reconstruction un appel à projet est lancé par le Général Georgelin pour rebâtir la flèche, l’occasion pour certains de ne pas refaire à l’identique. C’est ce qu’a pensé René Bouchara, designer et architecte, auteur de La flèche de Notre-Dame, histoire d'un projet abandonné. L’artiste envisageait la mise en place autour d’une flèche réédifiée à l’identique d’un cercle lumineux représentant le chapelet, un projet remonté jusqu’à la Première Dame mais qui ne verra pas le jour.

La flèche entourée d’un chapelet de lumière ?

Le designer René Bouchara a souhaité, après l’incendie et l’effondrement de la flèche, imaginer un projet entre tradition et modernité. “J’ai voulu m’inspirer du langage de l'église et le chapelet a été une évidence. Il a été très intéressant parce qu'il me permettait de créer un anneau qui est une sorte d'alliance, une sorte d'expression de ce que je voulais raconter comme histoire.” Sorti de l’imagination du créateur, un chapelet avec 56 billes disposées en cercle autour de la flèche, et non les 59 traditionnelles faute de place. Une création qui n’aurait selon ses plans pas dénaturée le monument “C'est tout à fait minimaliste. Chaque grain n'est pas réellement visible parce que 28 centimètres sur un édifice qui mesure 96 mètres.”

J’ai voulu m’inspirer du langage de l'église et le chapelet a été une évidence.

La création aurait toutefois été plus visible de nuit. “C'est à la nuit venue qu'on découvre ce chapelet. Chaque grain est doté à l'arrière d'une lentille de verre qui permet l'illumination.” Le dispositif aurait permis à René Bouchara de faire passer un message à tous les visiteurs de la cathédrale, et donc en particulier les visiteurs nocturnes. “L'idée, c'était que quelqu'un qui vienne voir la cathédrale ait quelque chose qui lui soit adressé. Et c'était réellement un message de gratitude. C'est une façon de dire merci et une façon d'incarner dans ce grand livre de pierre, la mémoire de cet instant.”

L'idée, c'était que quelqu'un qui vienne voir la cathédrale ait quelque chose qui lui soit adressé. C'est une façon de dire merci.

Bien que le projet de René l’ait mené jusque dans le bureau de la Première Dame, Brigitte Macron, le Sénat vote en juillet 2019 la reconstruction à l’identique, sans tenir compte de l’appel aux propositions.

Une flèche construite et reconstruite

Affirmer que l’on reconstruit à l’identique n’est pas exact selon René Bouchara. Le designer rappelle l’histoire complexe de la flèche de Notre-Dame de Paris. “C'est en 1793 qu'on démonte la flèche originelle, puisqu'elle est en train de basculer. Notre-Dame va vivre 70 ans sans flèche. Lorsque Viollet-le-Duc entreprend de dessiner la nouvelle flèche, Paris a évolué. Il y a des bâtiments qui sont imposants. Il redore le blason de Notre-Dame par les proportions. Aujourd'hui, bon nombre de gens ne savent pas que cette flèche n'était pas  authentique.” 

On a une cathédrale qui est flambant neuve, mais on n'a pour autant pas la trace de ce qu'il s'est passé à l'échelle de l'humanité.

Moderne plutôt qu’Ancien, René Bouchara n’est pas du tout opposé à la reconstruction à l’identique. Pour autant il déplore tout de même de ne pas prendre en compte l’événement qu’est l’incendie. “On a une cathédrale qui est flambant neuve, mais on n'a pour autant pas la trace de ce qu'il s'est passé à l'échelle de l'humanité. Il me semble à peu près évident aujourd'hui que si ce monument est né en France, le 15 avril 2019 a montré qu'il appartenait à l'humanité tout entière.”

Visible pour les passants parisiens, la flèche ne fera pas le même effet de surprise au grand public que l'intérieur de la cathédrale. Elle verra tout de même célébrée la première messe sous le transept qui la supporte le dimanche 8 décembre à l'occasion de la réouverture de la cathédrale.