La France à l’heure du retour de Trump : une position instable, Sylvie Bermann

Les États-Unis et le monde s’apprêtent à connaître un deuxième mandat de Donald Trump à la Maison Blanche. Ce-dernier prononcera le matin du 20 janvier son discours d’investiture et jurera sur la Bible de servir les intérêts de la nation américaine. Un discours particulièrement attendu au vu des velléités internationales du président Trump. Son quinquennat pourrait bien remodeler les cartes et les alliances avec, parmi les perdants, la France. Sylvie Bermann, ancienne ambassadeur de la France en Russie, en Chine et au Royaume-Uni décrypte les rapports de force.

Le “sacre” de Donald Trump 

Depuis sa réélection au bureau ovale, il est rare de ne pas trouver un micro tendu pour diffuser les propos de Donald Trump. Le monde semble attendre les déclarations de celui qui accède pour la deuxième fois à la présidence de la première puissance mondiale. Pour Sylvie Bermann, Donald Trump est devenu central sur la scène mondial, avant même son investiture. “Sa voix compte plus que celle du président encore en exercice. Et il fait peur. Il fait peur à la fois pour son imprévisibilité, mais également pour ce qu'il annonce et qu'il fera”. Dernier exemple en date de l’imprévisibilité du président américain : sa revendication du Groenland, territoire pourtant détenu par le Danemark. Alors que les États-Unis retirent leurs troupes des terrains d’actions à travers le monde, le milliardaire affiche à contre-courant une forme d’impérialisme expansionniste.

Il fait peur. Il fait peur à la fois pour son imprévisibilité, mais également pour ce qu'il annonce et qu'il fera.

Le grand retour au pouvoir de Donald Trump, la cérémonie d’investiture, se déroulera au Capitole, 4 ans après les attaques des partisans MAGA. Pour Sylvie Bermann, la cérémonie sera en réalité “un sacre, plus que finalement une investiture, puisque c'est selon son plaisir.” Le président en devenir a en effet commis plusieurs entorses au protocole.  “Il invite Xi Jinping à son sacre, bien que normalement il n'y ait pas de chef d'État, et puis il n’invite que ceux qui lui conviennent." Pragmatique, l’ancienne ambassadrice avance aussi “qu’il y a un état de grâce, mais ça ne dure pas éternellement.”

Une place pour la France encore incertaine dans le nouvel ordre trumpien 

Ont été invités à la cérémonie d’investiture les français Sarah Knafo, Marion Maréchal et Éric Zemmour. Des invitations qui marquent la proximité du président Trump avec la droite identitaire hexagonale, et qui entérine les différents entre Emmanuel Macron et le milliardaire. Celui qui avait déclaré pendant son premier mandat “les Européens sont des ennemis pires que la Chine, et je m'occuperai d'eux après” entend maintenir les droits de douane importants sur des produits dont la France est exportatrice. Sylvie Bermann y voit une faiblesse dans des possibles négociations avec nos voisins outre-atlantique. “Il veut maintenir des taxes de l'ordre de 25% sur les vins et spiritueux  dont la France est le premier exportateur. Ça risque d'être difficile.”

La France a perdu du poids aussi avec la dissolution parce qu'il y a une instabilité gouvernementale en France. Et ça, bien évidemment, c'est perçu par tous nos partenaires, aussi bien en Europe qu'en dehors de l'Europe.

Face à Donald Trump et a fortiori sur la scène diplomatique, la France fait pâle figure. Si la France a réussi, en marge de la réouverture de Notre-Dame de Paris, à réunir Donald Trump et Volodymyr Zelensky à l’Élysée, en plus de faire des Jeux Olympiques de Paris une réussite, l’actualité politique noircit le blason. “La France a perdu du poids aussi avec la dissolution parce qu'il y a une instabilité gouvernementale en France. Et ça, bien évidemment, c'est perçu par tous nos partenaires, aussi bien en Europe qu'en dehors de l'Europe. Et puis, il y a la dette abyssale de la France et la situation économique.” La diplomatie française a donc fort à faire face à l'administration américaine, pilotée par Elon Musk, pour maintenir l'hexagone sur la carte du monde.