Les capacités de la France à organiser de grands événements sportifs ont été remises en cause, depuis les incidents constatés au Stade de France, pour la finale de Ligue des champions. Il reste deux ans pour ajuster les préparatifs avant le coup d’envoi des Jeux olympiques, à Paris.
C’est un fiasco qui a dépassé les frontières de l’Hexagone. Samedi 28 mai, des incidents ont perturbé le début de la finale de Ligue des champions, au Stade de France : difficultés dans le filtrage des supporters qui venaient assister au match entre Liverpool et le Real Madrid, mouvements de foule et tentatives d’intrusion dans l’enceinte du stade. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène. Le gouvernement rejette en partie la responsabilité sur les supporters britanniques, qui seraient venus avec des milliers de faux billets.
Mais au-delà de la polémique, ces dysfonctionnements remettent surtout en cause l’organisation des prochains grands événements sportifs en France : serons-nous prêts pour la Coupe du monde de rugby en 2023, et pour les Jeux olympiques de Paris, en 2024 ? "C’est un événement assez différent, tempère Clément Lopez, attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paris-Saclay, spécialiste en politiques publiques et gouvernance du sport. Ce n’est pas le même type de public que pour une finale de Ligue des champions."
Il faut aussi noter qu’avant les incidents de samedi dernier, la France avait déjà organisé de grands événements sportifs sans difficulté, comme l’Euro de football en 2016. Sur le papier, Paris est donc capable d’accueillir les JO en 2024. "Si le Comité international olympique nous a choisis, c’est parce qu’il y avait des gages d’organisation et de sécurité, souligne Sylvain Bouchet, historien, spécialiste des Jeux olympiques. Mais entre la décision d’attribution et l’organisation-même, le Covid-19 est passé par là. Depuis, c’est plus difficile d’embaucher du personnel. Et le manque de stadiers, c’est en partie ce qui a expliqué les incidents au Stade de France."
Tout l’enjeu est donc de mettre en place la bonne stratégie sécuritaire : c’est un sujet sur lequel travaillent à la fois le ministère de l’Intérieur, le préfet de police de Paris et le coordinateur national pour la sécurité des JO et les grands événements. Mais l’échec de samedi dernier n’est pas rassurant, pour Linda Kebbab : "Il n’y a pas eu assez de communication entre les différents acteurs, estime la déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police. Le préfet de police va devoir mettre en œuvre son action en intégrant tout le monde : les polices municipales, la sécurité privée qu’il va falloir mieux former, et la police nationale en faisant jouer les acteurs qui viennent d’autres directions que celles sur lesquelles il a autorité."
Auditionné devant les sénateurs, mercredi 1e juin, le ministre de l’Intérieur a aussi identifié des efforts à réaliser, "sur la modernisation de l’ordre public, la formation des policiers, la gestion des grands événements, la lutte contre la délinquance et la lutte anti-drone, les cyberattaques". Gérald Darmanin a demandé au délégué interministériel aux JO et aux grands événements, Michel Cadot, d’envisager des règles différentes concernant les moyens de dispersion de la foule, pour éviter le recours au gaz lacrymogène. Et puis, plus largement, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a évoqué d’autres pistes d’amélioration, notamment une optimisation de "la gestion de la zone de premier filtrage", avec une meilleure "répartition des responsabilités entre les agents de sécurité privée et les forces de sécurité publiques".
La stratégie sécuritaire est particulièrement difficile à mettre en place pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, que le Comité d’organisation des JO imagine en dehors d’un stade, le long de la Seine. "On parle de 600.000 personnes réparties sur 12 kilomètres de berges, précise Sylvain Bouchet. C’est inédit à sécuriser, dans un contexte terroriste tendu. Je pense que le projet va être revu car c’est difficile à mettre en place. D’autant qu’au niveau du spectacle, les gens attendent surtout de voir la flamme et le discours, et tout cela se déroulera dans un espace assez réduit. Il faudrait donc, peut-être, se limiter au Champ-de-Mars ou au Trocadéro."
Reste encore deux ans pour réfléchir à l’organisation de ces Jeux olympiques, qui doivent débuter le 26 juillet 2024. Mais le calendrier sera serré. "L’avantage, c’est que de nombreux sites sont déjà construits, remarque le spécialiste des JO. Mais concernant les transports en commun, on s’aperçoit que le projet de Paris 2024 prévoit des aménagements de lignes de métro, de RER, de gare qui ne seront pas livrés à temps. Cela aurait pu améliorer le flux des visiteurs, et donc contribuer au bon déroulement de ces Jeux."
Malgré tout, le président du Comité d’organisation des JO, Tony Estanguet, a assuré que tout serait "prêt". En 2012, Londres avait dû revoir sa stratégie en matière de sécurité quelques jours seulement avant le début des Jeux olympiques : des militaires supplémentaires avaient été appelés en renfort pour pallier les défaillances de la sécurité privée.
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