Faut-il plus de taxis à Lyon et dans la métropole ? Depuis plusieurs mois, la question est sur la table mais l’annonce par le Grand Lyon de la création de 150 nouvelles licences de taxis en 2025, a provoqué une levée de bouclier d’une grande partie de la profession, qui craint de devoir faire face à plus de concurrence. Seuls quelques chauffeurs défendent ce projet, estimant qu’il peut redorer l’image des taxis.
Tout est parti de la sollicitation de plusieurs taxis lyonnais en 2022. Après un coup d’arrêt pendant le Covid, le volume de courses repartait à la hausse, tandis que le nombre de chauffeurs lui était insuffisant, selon la centrale d’appel des Taxis lyonnais. Face à ce constat, cette compagnie ainsi que plusieurs chauffeurs ont sollicité l’aide de la métropole. Désireuse de répondre à la demande de mobilité et estimant que le recours aux taxis pourrait limiter l’usage de la voiture individuelle, la métropole s’est donc penchée sur le sujet et a sollicité une étude du bureau de recherche 6-t, spécialisé dans l’étude des pratiques de mobilité.
Au terme de huit mois de recherche, ce bureau a conclu que les besoins de taxis allait augmenter d’environ 2,6% par an, en raison de la hausse de la population, de la dynamique touristique mais aussi en raison du développement des courses médicales. Pour répondre à ces enjeux, le cabinet d’étude a donc jugé nécessaire de développer significativement la flotte des taxis, au travers de la création de nouvelles licences dites « Thévenoud », du nom de la loi votée en 2014 et censée enrayer la spéculation autour de la revente de licences de taxis, qui peuvent atteindre jusqu’à 200.000€ à Lyon.
Le Grand Lyon a donc suivi ce conseil et annoncé début avril son souhait de créer 150 nouvelles autorisations de stationnement (ADS), à partir de janvier 2025. Une décision plus que nécessaire selon le vice-président en charge des déplacements et de l’intermodalité, Jean-Charles Kohlhaas : "Nous estimons qu’il y a besoin d'avoir plus de licences de taxi parce que nous pensons que comme dans toutes les mobilités c'est l'offre qui crée la demande et qu'aujourd'hui nous sommes dans un système qui dysfonctionne, qui est même dans une impasse", estime-t-il.
S’il conçoit que ces nouvelles licences ne régleront pas tout, elles participent selon lui "au fait de pouvoir sauver cette profession", notamment face à la concurrence des VTC, les voitures de transport avec chauffeur qui sont désormais plus nombreuses que les taxis dans la métropole de Lyon. Ils seraient entre 2000 et 5000, alors que les taxis licenciés ne sont que 1375 dans l’agglomération.
Mais cet argument ne convainc pas les principaux syndicats de taxis. S’ils n’ont pas souhaité s’exprimer au moment de la diffusion du Tempo, afin de ne pas envenimer leurs relations avec la métropole, ils ont confié à RCF (puis lors d'une conférence de presse) être opposés à cette augmentation du nombre de licences. Pour eux, cela pourrait créer plus de concurrence entre les taxis alors que le travail manque déjà. "Moi je veux bien mais il faut savoir aussi que notre marché devient de plus en plus difficile", souffle Mohammed Berkane, taxi propriétaire à Lyon. Le Covid, l’avènement du télétravail et l’inflation ont bouleversé les habitudes et les clients se font de plus en plus rares, selon lui.
Il n’y a pas assez de travail pour tout le monde
Ce matin-là, il attend les clients à la sortie de la gare Perrache, depuis une heure déjà. Comme lui, six ou sept taxis attendent en file. Tous affirment être contre ce projet d’augmentation de licences. "Il n’y a pas assez de travail pour tout le monde", martèle Hatif, un autre taxi lyonnais qui pointe la concurrence déloyale de l’application Uber.
Un avis que ne partage pas la Lutte syndicale des taxis. Créé en mars 2022, ce syndicat revendique plus de 200 membres dans la métropole et défend plus particulièrement les locataires taxis, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas pu se payer de licence et qui payent un loyer chaque mois pour avoir le droit d’exercer. Documents à l’appui, son président Yacine Grici estime qu’il y a largement assez de travail, notamment du fait de l’augmentation de la fréquentation de l’aéroport et des gares lyonnaises. "Les taxis existants ne sont déjà pas suffisants pour répondre à la demande actuelle. La demande va croître, l’offre ne sera pas non plus à la hauteur", déplore-t-il.
Lui et son vice-président assure qu’il y a un véritable "retour de la clientèle vers les taxis" et que le nombre de diplômés désireux d’exercer est supérieur au nombre de licences. "Il faut savoir que depuis 1995, il n’y a eu aucune délivrance de licences. Est-ce qu’il n’aurait pas fallu en délivrer un petit peu entre temps ?", s’interroge Saïd Djili, le vice-président de la LST. Il en est sûr : les 150 nouvelles licences ne feront pas concurrence aux taxis déjà présents car "sur les 59 communes qui recevront des licences, seulement 26 auront le droit d’aller à la gare […] donc il va y avoir une bonne partie qui seront en hors zone. Alors ils ne pourront pas faire concurrence à ceux qui travaillent à la gare".
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