Quand une personne souffre du froid et de la faim, chercher à nourrir sa vie intérieure peut paraître dérisoire. Pourtant, la vie spirituelle n'est pas un luxe réservé à ceux qui ne manquent d'aucun bien matériel. Au contraire, le pauvre a aussi faim de Dieu et soif de lien humain !
De quoi ont besoin, en priorité, les personnes vivant dans la rue ? De couvertures, se dit-on, de vêtements. De denrées alimentaires. "De relations", martèle plutôt Thierry des Lauriers, sans l'ombre d'une hésitation. Le directeur depuis 2010 de l'association "Aux captifs, la libération" en est convaincu : l'écoute et le manque de considération sont la première source de souffrance des personnes auxquelles il vient en aide. "Quand on fait des tournées, on n'a rien à apporter, même pas de café. Le premier message qu'on dit, c'est 'on vient pour toi, pour te rencontrer puisque tu mérites d'être rencontré', raconte-t-il. Cette rencontre a lieu fidèlement toutes les semaines, c'est un apprivoisement progressif qui nous permet de témoigner de la tendresse de Dieu pour chacune de ces personnes". Ces maraudes régulières sont au cœur de l'association, implantée dans plusieurs paroisses parisiennes et qui envisage de s'étendre en province.
Rencontrer les mains vides ceux qui manquent de tout est une démarche assumée. Au premier abord étrange, aussi. Même Thierry des Lauriers avait du mal au début. "Les premières fois que je tournais sans rien, je me sentais particulièrement bête, souligne le directeur général de "Au captifs, la libération". Mais peu à peu, on s'aperçoit que cette posture permet de rentrer dans un échange". Et d'illustrer son propos par un souvenir tout frais. "L'autre jour, j'étais avec Abdoulaye, qui me racontait tous ses malheurs. Je me demandais où allait cette conversation qui s'apparentait à un cahier de doléances. Au bout d'une vingtaine de minutes, je lui dis qu'on va devoir s'arrêter. Il me dit : ‘Oh merci, merci pour le temps que vous avez passé avec moi'". C'est que le sans-abri, au fond, demandait surtout d'être restauré dans sa dignité. "Il avait surtout besoin d'être écouté, et que sa plainte soit entendue", croit Thierry des Lauriers.
Les personnes victimes de prostitution ont été dès l'origine une préoccupation majeure du père Patrick Giros, fondateur de l'association en 1981. Un public en détresse qui suscite souvent l'appréhension, hélas. "La prostitution, ça touche au sexe, au corps de façon très crue, donc ça fait peur aux gens d'aller vers ces personnes", estime Thierry des Lauriers. On les résume trop souvent à leur condition de prostitué, alors que ces hommes et femmes sont d'abord des personnes avec des familles, des soucis, une beauté". Un rappel bienvenu.
Si Jésus-Christ nous a dit qu'il a plus de joie à donner qu'à recevoir, pourquoi priver le pauvre de la joie de donner?
Pas avare en anecdotes, l'ancien consultant plonge à nouveau dans les entrailles de sa mémoire. C'est une journée aux températures étouffantes. "Une après-midi au bois de Boulogne, il faisait très chaud, on avait soif, et une personne prostituée, Amanda, voit qu'on a soif et va chercher deux bouteilles d'eau au fond de son camion pour nous les donner. Elle était tellement heureuse de nous les offrir… se rappelle-t-il ému. On était aussi très heureux de pouvoir boire un coup !", ne manque-t-il pas d'ajouter, un sourire en coin. "Notre ancien aumônier nous disait : ‘Si Jésus-Christ nous a dit qu'il a plus de joie à donner qu'à recevoir, pourquoi priver le pauvre de la joie de donner?' Eh bien voilà, quand on vient sans rien, il y a des jours où il se trouve qu'on reçoit."
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