Dominique Le Mèner, président du Conseil départemental de la Sarthe, est notre premier invité politique de l'année. Bilan de la saison, rentrée des classes, nouveau centre de santé sont au programme. La politique nationale est aussi évoquée.
Dominique Le Mèner, avant de parler de la rentrée, quel est le bilan de la saison estivale en Sarthe ?
Bien que la saison ne soit pas tout à fait terminée, nous pouvons dire qu'elle a été bonne. Dans le domaine de l'hébergement, nous avons semble-t-il des chiffres meilleurs encore à ceux de 2018. Après deux années difficiles, nous retrouvons une clientèle locale, régionale mais aussi internationale, avec beaucoup d'adeptes du tourisme vert. Il faut souligner les efforts qui ont été faits par les professionnels de l'hébergement et je salue également les campagnes de communication de l'agence départementale Sarthe Tourisme.
Cet été, le département a été touché par les incendies. Comment le département se prépare t'il aux effets du réchauffement climatique ?
Suite aux 25 feux simultanés de juillet 2019, nous avons décidé de mettre en place des moyens de prévention. Ces moyens sont liés à un nouveau dispositif de surveillance avec des caméras de vidéo-détection qui permettent de déclencher les secours très en amont avec une géolocalisation très précise. Pour l'incendie de Mulsanne-Ruaudin-Téloché, le premier appel est survenu 10 minutes après que nous ayons détecté le sinistre par le système de caméras. Et puis, il y a des nouveaux systèmes d'approvisionnement en eau, on a fait un recensement de points d'eau non répertoriés ou pas suffisamment. Nous travaillons également sur des dispositifs avec les communes, notamment les "Sentinelles de la forêt". Dernier point, mais c'est du domaine de l'État, le débroussaillement. J'ai vu que des mesures ont été prises pour inciter les propriétaires.
Cette semaine est celle la rentrée des classes. Les collèges dépendent du Département. Quelles sont les mesures pour la rentrée ? En juin, vous annonciez le raccord en Wifi des 56 établissements sarthois pour un coût de 1,2 millions d'Euros...
C'est effectivement la poursuite du Plan Numérique Collège. Nous sommes déjà à la deuxième génération de matériel informatique. Ces moyens font le collège de demain et ils viennent compléter un programme immobilier important avec notamment le projet de construction d'un collège à Loué. Ces mesures ont pour but de donner les meilleures conditions de travail aux élèves, aux enseignants, et aux équipes éducatives. Je n'oublie pas non plus les restaurants scolaires où nous avons fixé un objectif à terme de 80% de produits issus du circuit court dans les assiettes. Ces exemples montrent que le département investit à la fois dans les moyens matériels mais aussi à l'évolution du comportement citoyen, notamment la nutrition.
En parlant de nutrition et de santé, 270 collégiens sarthois sont suivis pour l'expérimentation d'un projet Sport-Santé. Le but est d'inciter les élèves à se dépenser physiquement. Des bracelets connectés ont été distribués. Cela a suscité des oppositions avec une manifestation au Mans. Tout d'abord, vous comprenez cette polémique ?
Je comprends toujours les inquiétudes quant aux données numériques. On sait que les données peuvent être enregistrées, je pense aux smartphones, et il faut rester vigilant. Après, quand on regarde le dossier, on voit que Sport-Santé est un programme destiné à l'activité physique. Le constat est alarmant depuis plusieurs années sur les risques de la sédentarité et l'augmentation des risques dus à l'obésité. Cela s'inscrit dans un cadre global imaginé par l'UNSS et l'UGSEL (ndlr : union nationale du sport scolaire et Union générale sportive de l'enseignement libre) que nous allons accompagner par des moyens de mesure. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'à l'expérimentation. Les élèves n'auront aucune obligation. C'est juste une manière ludique de promouvoir le sport plutôt que de pratiquer seul avec une montre connectée. Les mesures de prévention ne sont pas en mesure avec la problématique. On voit que les Nutri-Score ou autres ne sont pas suffisants. Et encore une fois, connectable ne veut pas dire connecté.
Il y aura donc des garde-fous ?
Voilà la question qui est posée. Mais tout est encadré à la fois par la CNIL et le RGPD (ndlr : Commission nationale de l'informatique et des libertés et Règlement général sur la protection des données). Les résultats resteront anonymisés. C'est une mesure statistique non nominative et je n'ai pas d'inquiétude sur cette question.
Toujours sur la santé, la Sarthe fait toujours figure de mauvais élève comme désert médical...
Là aussi, nous faisons de la promotion depuis plusieurs années. Nous avons mis en place des systèmes de bourse pour favoriser l'installation. On a signé plus de 180 contrats avec des praticiens de la santé qui prenaient l'engagement de rester au moins cinq ans en Sarthe. On a déjà fait une partie une partie de ce que l'on pouvait faire en tant que collectivité locale. Mais ça reste une compétence de l'État. On constate aujourd'hui un déséquilibre avec des départements qui ont quatre fois plus de médecins que d'autres. Certains font le choix des Bouches-du-Rhône ou des Alpes maritimes. Nous sommes un beau département mais nous n'allons pas avoir la mer tout de suite. De plus, les jeunes médecins ont tendance aussi à s'installer près des centres universitaires hospitaliers où ils sont formés. Nous n'en avons pas même si nous avons un hôpital important. Pour le moyen terme, nous entreprenons d'attirer plus d'étudiants et nous en avons la capacité. Nous y travaillons avec l'université d'Angers et la ville du Mans. Sinon, nous avons mis en place du nouveau centre départemental de santé du Mans qui était à l'hôpital et qui va se situer vers Tessé. 14 médecins généralistes reçoivent les personnes qui n'ont pas de médecins référents. Nous sommes partenaires avec l'agence régionale de Santé et la ville du Mans pour offrir un suivi médical à tous.
Certains évoquent la fin de la liberté d'installation. C'est une bonne idée pour vous ?
On pourrait au moins limiter les installations dans les zones qui ont quatre fois plus de médecins que d'autres. Il ne faut pas contraindre mais éviter les régions surdotées dans le domaine. En plus, comme il y en a beaucoup, ils doivent prescrire plus pour pouvoir vivre. Du coup, il y a une augmentation des dépenses de santé qui n'est pas due qu'aux coups de soleil.
Nous allons finir cette interview avec de la politique nationale. Votre famille naturelle est divisée entre Horizons et LR. Où est-ce que vous vous situez ?
J'ai pris une position depuis 2017 qui est de dire "Je suis président du Conseil départemental, j'ai été élu pour cette tâche et on peut agir dans l'intérêt des Sarthois sans être encarté." Je suis attaché aux personnes et les partis politiques sont explosés. Je ne vois de doctrine claire chez personne à part les oppositions systématiques qui sont les plus faciles à tenir. Donc, je suis plus favorable à agir sur des propositions tout en restant critique quand il le faut. Je ne me reconnais dans aucun parti.
Vous n'avez pas un pincement au coeur quand vous voyez ce qu'est devenu votre ancien parti politique (ndlr : LR ex-UMP) ?
À l'époque du RPR et de l'UMP, nous étions sur un modèle qui était incarné par Jacques Chirac avec une bipolarisation de la vie politique. Aujourd'hui, tout est différent. Après, évidemment que j'ai un pincement car quand on a une famille on y est toujours attachés même quand on se fâche avec. Mais je ne regrette pas d'avoir pris les distances en 2017.
Que pensez-vous de l'espace occupé aujourd'hui par la NUPES et le RN dans l'espace politique sarthois ?
J'en déduis que les autres n'ont pas fait le job. La nature a horreur du vide. Tout ça m'inquiète pour l'avenir, surtout s'il n'y a pas une remobilisation des partis traditionnels et républicains..
Vous espérez un retour de la droite au niveau national ?
Paradoxalement, l'électorat de droite n'a jamais été aussi important. On se demande pourquoi il n'y a pas une incarnation plus forte à travers un mouvement et des élus.
Qui est-ce que vous verriez reprendre le flambeau ?
J'ai été proche de Xavier Bertrand. Nous avons été élus députés en même temps. Il a fait ses preuves en tant que député, président de région et n'est pas dans l'opposition systématique. Maintenant, je n'ai pas encore fait de choix. Des élections vont avoir lieu chez Les Républicains. Leur intérêt est que des candidats sortent du lot pour incarner ce courant.
Vous êtes ancien député. Si l'Assemblée nationale se révèle ingouvernable, que pensez-vous du "contrat de gouvernement" proposé par Christelle Morançais ?
J'ai l'impression que c'est déjà le cas. C'est une des forces de la Vème République. Tout le monde a critiqué ce régime. Mais il a toujours survécu car le système fonctionne. En effet, il faut toujours trouver des solutions sur des projets, des propositions de loi. Cela donne plus de liberté aux députés. Les majorités absolues font du mal au rôle des députés. En attendant, pour voter la Loi de Finance rectificative, il y a eu une majorité. Ce sera pareil pour d'autres projets. Comme le soulignait justement Christelle Morançais, il faut trouver des solutions pour ne pas que le pays soit bloqué.
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