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Macron et la gauche : “un dialogue de sourds" pour Luc Rouban

Un article rédigé par Emilie Balla - RCF, le 22 août 2024 - Modifié le 24 août 2024

"Nous sommes prêts", ont annoncé Lucie Castets et le NFP, dans une lettre aux Français, publiée, jeudi 22 août, par nos confrères de France Info. Moment stratégique pour le Nouveau Front populaire et sa candidate désignée, un jour avant la rencontre avec Emmanuel Macron, à l'Elysée, prévue vendredi 23 août. Déclarer que "l'inaction du président de la République est grave et délétère" est-il cependant bien judicieux de la part du bloc de gauche ? Luc Rouban, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) du CNRS, nous livre son analyse.

Lucie Castets, entourée de Marine Tondelier et Yannick Jadot, aux université d'été des Ecologistes, le 22 août 2024.Lucie Castets, entourée de Marine Tondelier et Yannick Jadot, aux université d'été des Ecologistes, le 22 août 2024.

Le Président avait signifié de façon claire, dans une interview sur France 2, au début des JO, que la question n’était pas le nom, mais bien le programme qui devait être compatible avec le macronisme. Il entendait par là : “poursuivre la réforme des retraites et les autres réformes engagées depuis 2022” précise Luc Rouban. Pour lui, faire monter la pression face au "maître des horloges" ​​ne semble pas être une stratégie payante.

Cela paraît d’autant plus complexe qu’ à gauche, tous ne sont pas d’accord. Les uns semblent sur la ligne d’un compromis pour se rapprocher d’Emmanuel Macron, “c’est le cas d’un certain nombre au PS et de Lucie Castets, je pense”, estime Luc Rouban.

L’unité de la gauche se joue-t-elle ? 

L'idée qui émerge est celle d’une grande coalition qui irait des écologistes modérés en passant par le parti socialiste, aux radicaux de gauche, jusqu’aux macronistes, aux centristes et quelques-uns à droite”. Impensable pour la gauche, mais c’est en tous les cas, ce que souhaite Emmanuel Macron. 

Lucie Castets, un nom incontournable ? 

Ces derniers jours, plusieurs noms circulent à la place de Lucie Castets pour prendre le poste de Premier ministre. Selon Luc Rouban, des personnalités de gauche telles que Bernard Cazeneuve ou Karim Bouamrane, "issu de l’immigration, laïc, qui n’entend pas se laisser piéger dans le débat identitaire", peuvent être intéressantes et tout à fait compatibles avec les idées du Président. Mais un problème se pose : quelle majorité pourront-ils créer et avec quels soutiens à l'Assemblée nationale ? 

Reste alors l'option de créer une majorité texte par texte, mais qui ne peut fonctionner que sur des projets tels que des politiques publiques au-delà des questions de valeurs. Or, lorsqu'il s'agit de l’organisation de la société française, du travail ou des questions de fin de vie, cela semble inenvisageable. Notons également que ces politiques, peut-être indécis, ont le souci de conserver leur électorat et de ne pas être assimilés à des traîtres à leur camp. 

Autre difficulté pour ceux tentés par une grande coalition : "il ne faut pas négliger l’impression donnée aux Français, car ils ont besoin de savoir dans quelle direction vont les politiques. D'autant qu'être assimilés à Emmanuel Macron, très critiqué pour son manque d’horizon politique, n’est pas bon signe". Un véritable problème de fond pour Luc Rouban. 

La réunion de vendredi à l’Elysée ? “Un dialogue de sourds"

Vendredi, lors de la réunion organisée à l'Elysée, Emmanuel Macron espère montrer qu’il va poursuivre son travail d'adaptation de la société française à la mondialisation ; allonger la durée du travail, trouver des marges de manœuvres plus grandes dans les entreprises, etc. Mais en face, il a des dirigeants politiques qui sont à contre-courant de ses idées libérales.

Ce sera “un dialogue de sourds" estime Luc Rouban, pour qui "toutes les surprises restent encore possibles avec le Président qui s’est droitisé depuis sa première élection en 2017", notamment le choix de personnalités issues du MoDem ou des Républicains, non-ciottistes. Le chercheur prévient tout de même : "le NFP tente de nous faire croire que la France est à gauche toute, elle est en réalité largement à droite". Il en veut pour preuves les différentes enquêtes sur l'attachement aux valeurs, qui montrent que “70% des Français se situent sur un axe allant d’Emmanuel Macron à Marine Le Pen.” 

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