L’université de La Rochelle est secouée par des accusations de viols et d’agressions sexuelles après un communiqué d’étudiants. Les membres d’un bureau des étudiants de l’université sont directement mis en cause. La présidence annonce avoir saisi le parquet de La Rochelle et appelle les victimes à se faire connaître, garantissant la confidentialité des démarches.
Tout commence avec un courriel le lundi 25 novembre, journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. Celui du collectif Les Ombres Parlent, créé en octobre dernier, dont les membres se définissent comme "étudiant·e·s féministes et militant·e·s engagé·e·s" . Dans un communiqué transmis aux médias locaux et à la présidence de l'université et publié sur les réseaux sociaux, ils dénoncent "les faits graves de violences sexuelles, de couverture d'agressions, ainsi que les abus de pouvoir au sein de l'Université, plus particulièrement dans le cadre du Bureau des Étudiant·e·s La Rochelle Université".
Le collectif reproche en effet au BDE LRU, un des bureaux des étudiants de l'université rochelaise, d'avoir couvert et commis des faits de violences sexistes et sexuelles. Le communiqué vise ainsi spécifiquement "le président [...] et son équipe rapprochée", accusés d'être "directement impliqué·e·s dans des actes d’agressions et des violences sexuelles". Nous avons pu échanger avec les Ombres Parlent, qui évoquent neuf témoignages, dont quatre concernant des faits de viols, et reprochent "l'inaction" du BDE LRU malgré "des témoignages internes". Aucune plainte n'a toutefois été déposée par crainte des "représailles", mais également "du fait du poids émotionnel des procédures et leur faible probabilité d'aboutir".
Autre point-clé du communiqué, le rôle de Shawn Le Govic, Vice-Président Etudiant de l'université chargé de représenter la population universitaire auprès de la Présidence. Les Ombres Parlent l'accusent en effet de "couvrir ces actes", mais également "d'exercer une pression pour étouffer toute tentative de dénonciation" et de soutenir "activement" le BDE LRU. Interrogé par France Bleu, l'élu étudiant réfute : "je ne couvre personne, je n'exerce aucune pression". Et Shawn Le Govic de souligner qu'il n'en a "pas le pouvoir".
Dernière instance accusée implicitement de protéger le BDE LRU : la présidence de l'université. Les Ombres Parlent soulignent en effet dans leur communiqué "l'impunité dont bénéficieraient ces individus grâce à leur réseau de protection, avec des liens directs avec la présidence de l'université et d’autres acteurs politiques universitaires.". Dans un échange de mails avec la présidence que nous avons pu consulter, l'Université réfute toute partialité du relais d'écoute mis en place en 2019, nommé "L'université me protège" : "ce relais est indépendant et impartial et nous ne pouvons laisser des écrits affirmer le contraire".
Un point reste un obstacle majeur pour le collectif : les appels de l'université auprès des victimes et témoins à se faire connaître. Vice-président formation et vie universitaire à l'université de La Rochelle, Stéphane Manson reconnaît que la condition nécessaire à un signalement auprès de la structure est en effet que les étudiants ou étudiantes concernés soient "clairement identifiables". Le professeur de droit public assure toutefois que le dispositif "fonctionne" et reçoit régulièrement des signalements, "pas pour des faits aussi graves" que ceux remontés par le collectif, mais pour des cas de discriminations ou de harcèlement.
Une réponse jugée insatisfaisante par le collectif Les Ombres Parlent, qui, lors de nos échanges, reproche à l'université d'ignorer "les risques et pressions auxquels [les victimes] sont exposées" en les appelant à "s'exprimer à visage découvert". "Je peux le comprendre", assure Stéphane Manson, "au regard de la façon dont les choses peuvent se passer [...] dans la vie sociale". Pour autant, il met en avant que depuis 2019, "les choses ont fonctionné" : "nous garantissons de manière absolue la confidentialité de nos saisines et de la procédure jusqu'à son terme".
Une situation qui paraît donc bouchée. L'université a saisi le parquet de La Rochelle sur le fondement de l'article 40 du code pénal, "un premier pas" pour le collectif Les Ombres Parlent, qui estime toutefois que ses revendications "n'ont pas été écoutées". A part exhorter les victimes et témoins à se faire connaître auprès des instances compétentes, "nous ne pouvons pas aller plus loin", affirme Stéphane Manson. Il rappelle que l'université n'a "aucun pouvoir d'investigation" et "pas de pouvoir d'enquête", sauf en cas de demande de la police. Pour l'instant, aucune communication directe n'a été adressée à la population étudiante dans son ensemble, mais Stéphane Manson relate un échange entre la présidence et les associations pour clarifier la situation et inciter une nouvelle fois les victimes à se faire connaître.
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