En février dernier, Dimitri Medvedev, ex-président de la Fédération de Russie et chef du Conseil de sécurité de Russie, annonçait qu'il fallait encourager l'accession au pouvoir dans les pays européens de partis anti-systèmes alliés au régime du Kremlin. Pour bien comprendre les ingérences russes dans les élections, Etienne Pépin a interrogé David Chavalarias, directeur de recherche au CNRS et auteur d'une étude sur les ingérences du Kremlin dans les élections européennes et législatives.
Après les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore l’Italie, la France est désormais confrontée aux ingérences russes depuis plusieurs mois. Moscou cherche à favoriser l’ascension de partis politiques moins opposés au Kremlin, voire même sympathisants, dans le but de renforcer son influence sur les gouvernements européens.
“C'est une stratégie assez sophistiquée et diversifiée, qui est d'ailleurs inspirée des méthodes du KGB. Il s'agit de semer la division sur un territoire national sur le long terme et sur le court terme en combinant des actions sur le terrain physique” analyse David Chavalarias.
Tout le monde se souvient des étoiles de David taguées dans les rues de Paris et des mains rouges peintes sur le mur du mémorial de la Shoah. Ces actes de vandalisme ne sont que la partie visible d’une machinerie de déstabilisation bien plus vaste. Pour David Chavalarias, “ La Russie va combiner cela à des actions sur le terrain numérique, où elle va essayer de créer la division de plusieurs manières. Il y a des publicités ciblées qui distillent une certaine forme de propagande au sein de populations très précises. On trouve des faux comptes sur internet, destinés à aller au contact de ces populations pour diffuser certains narratifs.” ajoute-t-il.
En ce qui concerne les élections législatives, le directeur de recherche explique que le Kremlin utilise principalement la stratégie de l’exagération et de l’humiliation. “Ils vont créer des faux sites. Par exemple le faux site de procuration d'Ensemble, le parti d'Emmanuel Macron, où on pouvait y voir que ce dernier proposait 100 euros pour un vote. Ce qui est illégal, ce site était faux, et il s'agissait de faire croire que le parti d'Ensemble achetait des votes.” détaille-t-il.
Face à l'hostilité des dirigeants européens, la Russie pourrait viser un objectif précis : affaiblir les valeurs telles que la défense des territoires européens et l'aide inconditionnelle à l'Ukraine.” Le but est de favoriser l'accession au pouvoir en France de partis favorables au Kremlin. Or, les partis favorables au Kremlin en France, c'est le Rassemblement national. Le RN a déjà dit qu'il arrêterait de soutenir l'Ukraine. Il y a plusieurs membres, députés, candidats qui sont allés faire des voyages en Russie.” souligne David Chavalarias.
Sur ce point, les services de renseignement français se sont montrés particulièrement efficaces depuis le début de la guerre en Ukraine. Les preuves sont irréfutables, et les Russes ne se cachent d’ailleurs plus d’être à l’origine de ces multiples tentatives de déstabilisation. Selon David Chavalarias, “On sait que les pubs Facebook c'était eux, on a des captures d'écran de leur organisation interne. Les Russes eux-mêmes le disent. La rhétorique qui dirait qu'on leur prête trop de poids, c'est la rhétorique du Rassemblement National qui justement essaie d'allumer des contre feux.”
Face à ces manipulations de masse, le directeur de recherche est clair, l’ingérence russe a eu de lourdes conséquences aux Etats-Unis en ayant contribué à la victoire de Donald Trump. À la veille du second tour des législatives, la France pourrait être confrontée au même scénario. “ La Russie envoie actuellement des intelligences artificielles pour créer des faux comptes et aller au contact des populations pour faire de la persuasion. Ça, c'est assez facile à contrer, en permettant aux citoyens de se déclarer, par exemple à travers des dispositifs technologiques, on pourrait se déclarer citoyen d'un pays donné. Des solutions, il y en a plein, il manque juste de volonté politique.” estime David Chavalarias.
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