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La Russie et l’Ukraine respectent-elles le droit international, en période de guerre ?

Un article rédigé par Clotilde Dumay - RCF, le 23 mars 2022 - Modifié le 18 mars 2024

Alors que les combats se poursuivent entre Russes et Ukrainiens, les deux parties s’accusent régulièrement de violer les règles du droit international, notamment concernant la détention et l’usage de certaines armes. Analyse avec David Cumin, maître de conférences à l’Université Jean-Moulin Lyon-III, spécialiste de droit de la guerre.

Bâtiment détruit dans la région de Tchenihiv, Ukraine. ©UnsplashBâtiment détruit dans la région de Tchenihiv, Ukraine. ©Unsplash

Y a-t-il des armes interdites au cours d’une guerre ? 

 

DAVID CUMIN​​​​​ : Les principes généraux du droit des conflits armés, qui ont une valeur coutumière mais que l’on retrouve dans les conventions internationales, disent que toute arme doit être utilisée, en temps de guerre, de manière précautionneuse, proportionnée, nécessaire. Autrement dit, il ne faut pas viser les civils, les non-combattants et ne pas causer des dommages collatéraux inutiles ou excessifs aux civils ou aux non-combattants.

 

D'autre part, certaines armes sont limitées dans leur emploi, en temps de guerre, parce qu’elles seraient excessives ou incontrôlables ou aveugles. Parmi elles : les armes nucléaires, mésologiques, biologiques et chimiques, mais aussi les mines, les pièges, les armes incendiaires. Elles contreviennent aux principes généraux. Par exemple, une mine, c'est une arme aveugle : elle peut éclater sous les pieds d'un militaire comme d'un civil. Ces armes ont fait l'objet de traités spécifiques, pour réglementer spécialement leur usage. 

 

Pour que les traités soient applicables, il faut que les États les aient ratifiés. S'agissant, par exemple, des bombes à sous-munitions, ni l'Ukraine ni la Russie n'ont adhéré à la Convention d'Oslo. Ces deux pays ne sont donc pas concernés par l'interdiction d'emploi des bombes à sous-munitions. Mais ils sont tout de même censés les utiliser de manière précautionneuse, proportionnée et nécessaire, en distinguant bien les combattants des non-combattants.

 

S'agissant des armes nucléaires, il existe le Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN), mais il n'a pas été négocié par les États détenteurs de ces armes, dont la Russie. De toute façon, cela reste une arme de dissuasion avant tout. Je ne pense pas que les Russes l’utiliseront. Et en cas d’usage, il faudrait, là aussi, respecter les principes généraux du droit des conflits armés.

 

 

Il faut bien comprendre que l’Ukraine, c'est la partie faible et envahie, à laquelle va la sympathie d'une large partie du monde

 

 

Est-ce que la Russie et l’Ukraine respectent le droit international, jusqu’à présent ?

 

Les informations dont nous disposons sont forcément parcellaires et partiales. Il faudrait attendre des enquêtes sérieuses, notamment du Comité international de la Croix-Rouge. Mais ce que j'observe d’ores et déjà, c'est que chacun des belligérants jure qu'il respecte le droit. Est-ce que nous avons des civils visés délibérément ? Est-ce que nous avons des usages russes disproportionnés ? Je ne crois pas. Il faut bien comprendre que l’Ukraine, c'est la partie faible et envahie, à laquelle va la sympathie d'une large partie du monde.

 

Mais souvent, face au fort, le faible essaie de faire flèche de tout bois. Le gouvernement ukrainien appelle les civils à prendre les armes contre l’envahisseur. Ce n’est pas interdit par le droit, pourvu que les civils portent un signe distinctif, reconnaissable à distance, autrement dit un semblant d'uniforme.

 

Parfois, la distinction entre le civil et le militaire, entre le combattant et le non-combattant, devient très floue. Les cas les plus sensibles, ce sont les villes ukrainiennes assiégées, comme Marioupol ou Kiev. La solution, pour distinguer les combattants et les non-combattants, c’est d’évacuer les civils en créant des couloirs humanitaires. Ensuite, ceux qui restent sur place ne sont plus considérés comme des civils, ils participent à la défense de la ville. Le principe selon lequel ils ne faut pas les viser n’existe donc plus.

 

 

C’est là que le bât blesse : il y a un droit des conflits armés, mais les sanctions sont faibles

 

 

Que peut-il se passer en cas de non-respect du droit international ?

 

Il y a d’abord la possibilité de procéder à des représailles : les Russes se comportent mal, les Ukrainiens en font autant. Mais du fort au faible, c’est difficile. Ensuite, il y a l'action des tiers pour faire pression sur le gouvernement russe. Mais il y a déjà une énorme pression avec les sanctions économiques et financières adoptées par les Occidentaux.

 

Enfin, il y a les procédures judiciaires, pénales. Autrement dit, si vous avez commis un crime de guerre, on peut et on doit vous poursuivre. Qui peut le faire ? Les juridictions pénales du pays dont les ressortissants ont été victimes de crime de guerre. Mais aussi la Cour pénale internationale – encore faut-il que les États concernés aient adhéré au traité de Rome qui l’a créée. Mais dans la pratique, c’est assez rare de poursuivre des criminels de guerre, car il faut déjà les arrêter, en disposer physiquement.

 

C’est là que le bât blesse : il y a un droit des conflits armés, mais les sanctions sont faibles. En réalité, la sanction est plutôt politique : l'armée et le gouvernement qui multiplient les crimes de guerre s'en trouvent délégitimés et doivent faire face à une pression internationale.

 

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