En France, une personne sur cinq est en souffrance psychique ou mentale. Dépression, troubles bipolaires, autisme ou encore schizophrénie, ce n’est que depuis récemment que l’on traite de ces sujets. La 33e Semaine d'information sur la santé mentale est l'occasion de se pencher sur les personnes touchées par ces problématiques, mais aussi sur leurs soignants et leurs accompagnants.
La plupart des personnes souffrant de troubles psychiques ne sont pas suivies correctement. 50% des lits ont fermé en dix ans, et le manque de moyens comme de personnel est criant. Le confinement, entre autres, a permis de pointer du doigt les problèmes de santé mentale. À l’heure où les sujets anxiogènes sont omniprésents, comment composer entre éco anxiété, contexte de guerre, pénuries et post-pandémie ? Ces dernières années, des "anecdotes people" ont permis de délier les langues. Lady Gaga, Britney Spears ou Selena Gomez se sentent activistes de la santé mentale. En France aussi, Orelsan ou Stromae traitent de ces thématiques sans filtres.
Mais si le mot est récent, les maux ne le sont pas tant. L’Œuvre Falret est une association qui vient en aide aux personnes en souffrance psychique. Sandrine Broutin, directrice générale, estime que "les choses changent, on en parle beaucoup". L’association veut faire tomber les idées reçues et les préjugés en allant à la rencontre du grand public. Et pour cela, rien de mieux que le festival Pop & Psy qui a eu lieu du 7 au 9 octobre 2022. Rencontres, ateliers, concerts, échanges autour de la santé mentale étaient de mise. C’est Jean-Victor Blanc, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, qui a fondé cet événement, avec l’objectif de changer le regard. Il souhaite que l’on "réenchante la discipline psychiatrique".
Certains parlent de ces troubles comme d’une "descente aux enfers". Et les clichés qui les accompagnent sont nombreux. Noël Thulin est pair aidant. Cela signifie que, porteur d’un trouble bipolaire, il vient en aide aux soignants et aux personnes concernées pour développer de meilleures pratiques. Cela permet de soulager la détresse. Il souhaite que "la santé mentale devienne banale". "Quand j’ai été diagnostiqué porteur d’un trouble bipolaire, j’ai eu l’impression qu’on me disait que j’étais fou". Le parcours est long et semé d'embûches, et le retour à la vie sociale et familiale, couplé à l’écriture d’une pièce de théâtre, l’ont aidé à s’en sortir. Comme beaucoup, il ne veut pas être défini par sa maladie : "ce n’est pas quelque chose qui m’identifie", souligne-t-il.
"Dès qu’on en parle un peu, les gens se livrent énormément", confie Jean-Victor Blanc. Et à l’image de ce qu’il dit, les auditeurs à appeler sont nombreux. "J’ai tout entendu ! Il y a une ignorance qui frise l'archaïsme en France" confie l’un d’entre eux. Une autre interpelle sur "l’urgence absolue d’agir en amont : beaucoup de troubles mentaux s’enracinent dans la petite enfance". Et à une troisième d’ajouter que "l’on peut mourir de TCA (troubles du comportement alimentaire), il faut agir".
Être attentif à soi et aux autres est un premier pas. Mais la santé mentale est un enjeu crucial de santé publique. Pour Sandrine Broutin, nous avons besoin en France d’une meilleure sensibilisation, rendue compliquée par les moyens économiques insuffisants. Les TCA, par exemple, doivent être traités dans l’urgence, et il s’agit d’ouvrir des dispositifs d’accueil adaptés. La promotion des formations, aussi, gagnerait à être priorisée : "on veut redonner l’envie de s’engager dans les métiers", souligne le psychiatre, qui estime qu’on "manque de créativité et d’imagination pour le faire". Un gain de souplesse et une meilleure coopération sur les territoires pourraient également s’avérer efficaces.
D’autres étapes sont essentielles : accepter que l’on va mal, être bien accompagné sur le plan familial comme médical, vouloir et pouvoir être soigné. Sandrine Broutin insiste sur la pluralité des acteurs : "l’accès aux soins est primordial mais n’est pas l’alpha et l’oméga de l’accompagnement". La nature, les pratiques artistiques, l’activité sportive ou professionnelle ne sont pas négligeables pour aller mieux. L’écart entre l’accès aux soins dans les grandes villes et en zone rurale est flagrant. Des territoires entiers ne sont pas couverts, et la force du tissu associatif y est essentielle. Jean-Victor Blanc admire d’ailleurs ce travail, mené par des organismes qui refusent de "céder au catastrophisme" et qui créent des ponts entre les différents acteurs.
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