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"La stratégie de dédiabolisation du RN n'est pas encore terminée", affirme le politologue Jean-Yves Camus

RCF, le 12 juillet 2024 - Modifié le 12 juillet 2024
L'Invité de la Matinale"On a largement dépassé tout ce que les politiciens imaginaient à propos de l'extrême droite", selon Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques

Les 143 députés du RN viennent de faire leur rentrée à l'Assemblée Nationale. Après une campagne des législatives marquée par le dérapage de certains candidats, le groupe parlementaire menée par Marine Le Pen va devoir démontrer sa capacité à effectuer un travail législatif sérieux. Au micro de Grégoire Gindre, le politologue Jean-Yves Camus analyse le plafond de verre que doit maintenant briser le Rassemblement National et ses perspectives dans le paysage politique français.
 

Marine Le Pen doit maintenant cadrer le groupe Rassemblement National à l'Assemblée Nationale. ©Hans Lucas/Quentin De GroeveMarine Le Pen doit maintenant cadrer le groupe Rassemblement National à l'Assemblée Nationale. ©Hans Lucas/Quentin De Groeve

Deux députés Rassemblement National en 2012, huit en 2017, 89 en 2022… Et 143 en 2024. Le parti de Marine Le Pen continue sa percée électorale. Mais cette progression annonce-t-elle une prise de pouvoir inéluctable de Marine Le Pen ?

Une impressionnante percée électorale

"Rien n'est jamais certain en politique", répond Jean-Yves Camus, politologue et directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean Jaurès. "Ces chiffres que vous venez de citer ont été acquis sans la proportionnelle, mais au scrutin majoritaire uninominal à deux tours", souligne-t-il. Un système qui a longtemps limité l'accès du RN au Parlement. 

Le RN pourrait rester longtemps une force d'opposition sans accéder à la magistrature suprême.

Mais aujourd'hui, "la notion de plafond de verre n'a plus énormément de sens", constate Jean-Yves Camus. Les 40% de suffrages obtenus par Marine Le Pen au second tour de la présidentielle démontrent en effet que le RN a su élargir sa base électorale. Cela suffira-t-il à accéder à la magistrature suprême ? Pas si sûr. 

En 2016, Norbert Hofer, le candidat du Parti de la liberté d'Autriche (FPÖ), le parti frère du RN, avait atteint le second tour de l'élection présidentielle autrichienne. Malgré une campagne intensive, il fut battu de justesse par Alexander Van der Bellen, un ancien dirigeant des Verts. Le candidat "équivalent" du RN obtenait 49,7% des suffrages. Le RN pourrait donc rester le principal parti d'opposition sans jamais accéder à la présidence.

Une dédiabolisation incomplète ?

La campagne des législatives a démontré que la stratégie du RN, visant à rendre le parti plus acceptable, n'est pas encore totalement accomplie. "La stratégie de dédiabolisation du RN n'est pas encore terminée," explique Jean-Yves Camus.

"S'est produit entre les autres tours, cet épisode qui a couté des voix au RN, de certains candidats, dont les profils sur les réseaux sociaux, ont été exhumés par la presse et recelaient quelques tweets calamiteux", rappelle le politologue. Jordan Bardella a reconnu des "erreurs de casting", "des brebis galeuses". 

La stratégie de dédiabolisation du RN n'est pas encore terminée. 

Quels défis pour les députés RN à l'Assemblée ?

Avec un nombre record de députés RN à l'Assemblée, Jean-Yves Camus insiste sur l'importance de l'encadrement de ces nouveaux élus : "Marine Le Pen va devoir encadrer, coacher, surveiller 143 députés". "Ça va être compliqué parce qu'ils ne sont plus 88, ils sont 143", insiste-t-il. 

Staffer 143 députés, c'est considérable

Le politologue souligne également les enjeux de recrutement qui vont se poser maintenant. "Il va falloir recruter des assistants parlementaires, des collaborateurs. Et là aussi, le problème sera de trouver des collaborateurs lisses, et non pas des gens qui viennent de petits groupes de politique d'extrême droite", souligne Jean-Yves Camus. Pour prouver sa crédibilité, le RN devra donc passer par "le travail en commission et les interventions sur des questions au gouvernement". Et démontrer ainsi sa capacité à gouverner.

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