Figure emblématique de la lutte contre le mal-logement, l'abbé Pierre est accusé d'agressions sexuelles dans un rapport publié par Emmaüs International. Isabelle Chartier Siben, psychothérapeuthe et victimologue, revient sur les enjeux de ces révélations.
Les accusations d'agressions sexuelles contre l'abbé Pierre ont provoqué une onde de choc dans l'Église, et au-delà. Le rapport porte sur des faits survenus entre 1970 et 2005. Il bouleverse l'image d'un homme vénéré pour son sens de la charité.
Isabelle Chartier Siben témoigne de la sidération ressentie face à ces accusations. "On a du mal à y croire, certaines personnes se disent que c'est encore une fois une dénonciation calomnieuse pour terminer l'image de l'Église", souligne la victimologue au micro de Jean-Baptiste Labeur. "Mais je crois que malheureusement ce ne sont pas des dénonciations calomnieuses, il y a eu des agressions sexuelles. C'est donc une immense douleur qui vient terminer l'image de l'abbé Pierre", rappelle-t-elle.
Car l'admiration vouée à l'homme à la cape et au béret allait bien au-delà des cercles chrétiens. L'impact de ces révélations est donc immense, tant l'abbé Pierre était non seulement une figure religieuse, mais plus encore un symbole de la charité.
Les organisations Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre ont exprimé leur soutien aux victimes. Mais qu'est-ce qui explique que ces femmes se soient décidées à parler aujourd'hui, alors que les faits remontent maintenant à plusieurs décennies ? "C'est un effet d'époque", répond Isabelle Chartier Siben. "Les mouvements MeToo incitent les personnes à parler".
Cette difficile libération de la parole vient-elle de la fascination exercée par des personnalités charismatiques, comme l'abbé Pierre ? "On peut être fasciné par certaines personnalités et on a envie, c'est sécurisant, de mettre des personnes sur un piédestal", souligne Isabelle Chartier Siben. L'abbé Pierre a été élu 16 fois "personnalité préférée des Français".
Une vénération qui peut mener à des abus. "En plaçant une personne sur un piédestal, la personne elle-même va se croire obligée de rester sur ce piédestal. Elle va donc être déstabilisée dans les profondeurs de son être, et va en arriver parfois à user de comportements non respectueux de l'autre", décrypte la victimologue.
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