Marseille
Cela fait maintenant six mois que dure le calvaire. Six mois que 120.000 Arméniens sont strictement confinés dans le Haut-Karabakh, victimes d'un blocus azéri, dans l'indifférence internationale la plus complète. L'ambassadrice d'Arménie en France, Hasmik Tolmajian, pousse un cri d'alarme sur une situation qu'elle juge "dramatique".
Le Haut-Karabakh est "en danger de mort". L'ambassadrice d'Arménie en France ne mâche pas ses mots. Hasmik Tolmajian décrit "une situation aujourd'hui dramatique". Cela fait précisément six mois que la seule voie d'accès à l'Arménie de cette région enclavée est obstruée. "Depuis le 12 décembre, l'Azerbaïdjan bloque le corridor de Latchine, qui est l'unique route reliant le Haut-Karabakh à l'Arménie, donc au reste du monde", explique la diplomate. Cette région historiquement arménienne, peuplée quasi exclusivement d'Arméniens, s'est déjà trouvée en 2020 au centre d'un conflit entre les deux voisins. C'est que l'Azerbaïdjan n'a de cesse de revendiquer ce territoire que Staline lui a attribué en 1921. L'enclave illustre hélas le destin d'un pays, l'Arménie, constamment malmené par ses voisins au cours de son histoire.
Un objectif clair, affiché, déclaré, assumé : c'est le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh
"Depuis six mois, les 120.000 Arméniens de cette région, dont 30.000 enfants, se retrouvent isolés, coupés du monde entier, soumis à un blocus sévère", alerte l'ambassadrice. Alors que les pénuries alimentaires font rage, "seuls quelques convois de la Croix-Rouge traversent le corridor pour apporter des denrées au compte-gouttes, et transférer vers l'Arménie quelques malades qui nécessitent des soins intensifs urgents". Les médicaments, en effet, sont en nombre limité. Hasmik Tolmajian souligne en tout cas que le président azéri, Ilham Aliyev, a "un objectif clair, affiché, déclaré, assumé : c'est le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh".
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Ces derniers mois, le premier ministre arménien Nikol Pachinian répète sa volonté de négocier une paix avec Bakou. "L'Arménie est aujourd'hui fortement engagée dans le processus de négociation, elle aspire à une paix", confirme l'ambassadrice. Mais à une condition, et pas des moindres lorsqu'on connaît la nature des intentions azéries. "Que la sécurité, la dignité, la liberté, les droits fondamentaux de la population du Haut-Karabakh soient respectés. Aujourd'hui, on en est très loin", constate-t-elle, ajoutant qu'une "négociation entre une dictature et une démocratie, ce n'est pas facile". D'autant plus que l'autocrate azerbaïdjanais voue une haine féroce à son voisin, qu'il souhaite rayer de la carte. "Comment faire la paix avec un pays qui non seulement ne partage pas votre vision de la paix, mais souhaite votre mort ?", s'interroge-t-elle. Et d'interpeller la communauté internationale : "Le monde va-t-il assister impuissant à un génocide qui dure depuis un siècle ? On ne peut pas ignorer le lien entre le crime impuni de 1915 et tout ce qui se passe aujourd'hui".
Selon la diplomate, l'accueil par la France de rescapés arméniens à la suite du génocide commis par l'empire ottoman en 1915 fut un beau symbole du lien qui unit les deux pays. "Les relations sont très fortes entre la France et l'Arménie", insiste celle qui célèbre des "affinités historiques profondes, une histoire millénaire qui commence dès les croisades". "Le dernier roi arménien, Léon V de Lusignan (XIVe siècle), est enterré à la basilique de Saint-Denis : c'est le seul roi étranger aux côtés des rois de France", tient à rappeler Hasmik Tolmajian. Une anecdote aussi savoureuse que méconnue couronne le tout. "L'alphabet arménien, créé par un moine en 405, comportait au début trente-six lettres. Deux ont été ajoutées par la suite, dont le f au XIIIe siècle, pour pouvoir écrire le mot France."
Le dernier roi arménien, Léon V de Lusignan, est enterré à la basilique de Saint-Denis : c'est le seul roi étranger aux côtés des rois de France
Lundi 12 juin, dans Le Figaro, plus de 170 élus Les Républicains (LR) appelaient Emmanuel Macron à des gestes plus forts en faveur de l'Arménie, au nom de cette amitié séculaire. "La France peut intervenir ; la France doit intervenir, écrivaient-ils. Nous le devons parce que les Arméniens d'Arménie comme du Haut-Karabakh incarnent, non seulement le visage de la démocratie dans une région où règnent sans partage des Etats autoritaires, voire dictatoriaux, mais aussi le poste avancé d'une culture chrétienne que nous avons en partage".
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