L’Islande a donc repris la pêche au rorqual commun. "C’est un animal imposant par la taille, mais comme toutes les baleines il dégage aussi une force onirique. Toutes les personnes qui ont approché une baleine en mer vous le diront. Avant de rejoindre Sea Shepherd je n’avais jamais vu de baleines. La première fois que j’en ai vu, c’était en Antarctique. Elles étaient en train de fuir des baleiniers japonais. Les baleines font partie de ces animaux qui enchantent le monde. C’est pour cela que c’est un combat emblématique sur lequel repose la survie de l’océan d’une manière plus globale, et la nôtre. Nos destins sont liés" explique Lamya Essemlali.
L’Islande reprend cette chasse. Elle chassait déjà d’autres baleines. "Il y a eu un avant et un après dans l’histoire de la chasse baleinière. Au XIXème siècle, un Norvégien a inventé le harpon explosif. Avant cela, les très grandes baleines étaient épargnées. À partir du moment où il y avait le harpon explosif et les bateaux à moteurs, c’est devenu un carnage monstrueux et on est devenu capable de tuer des animaux extrêmement grands. Et pour tuer un animal de la taille d’une baleine, il faut plus que quelques secondes ou quelques minutes. C’est entre une demi-heure et une heure, d’où une très grande agonie. C’est le genre d’abattage qui serait totalement interdit dans n’importe quel abattoir" ajoute la directrice de l’antenne France de Sea Shepherd.
Cette dernière soulève un paradoxe. En Islande, assez peu de gens mangent de la viande de baleine. "Paradoxalement, il y a un marché touristique. Les gens vont en Islande, on leur propose de la viande de baleine au restaurant. Et car ils sont en Islande, ils trouvent ça un peu folklorique et s’y essayent. En faisant ça, ils entretiennent ce marché-là. On est dans une course contre la montre. Aujourd’hui, il y a tellement de facteurs qui pèsent sur ces espèces. Ce sont des animaux qui se reproduisent plus lentement" lance Lamya Essemlali.
Les Islandais ne sont pas les seuls aujourd’hui dans le monde à pratiquer la pêche à la baleine. "Il y a l’Islande, la Norvège et le Japon. Et le Japon a cette particularité de chasser en-dehors des eaux territoriales et principalement dans le sanctuaire baleinier antarctique. Sea Shepherd a mené douze ans de campagne dans cette zone, ce qui a permis de diviser par trois le quota de baleines tuées. Sur le terrain, s’il n’y a pas une puissance maritime d’Etat, ils continueront à chasser malgré les condamnations" rappelle la présidente de Sea Sheperd France.
Au niveau du droit, "il y a un moratoire sur le commerce international de viande de baleine. Les trois pays que sont l’Islande, la Norvège et le Japon font partie de la commission baleinière internationale. Ils se sont normalement engagés à respecter les règles internationales, mais ils les enfreignent. C’est une chasse pour la consommation, mais ils ont énormément de mal à trouver des consommateurs. Il y a une volonté déraisonnable" analyse la militante de l’ONG.
Les méthodes de Sea Shepherd continuent d’impressionner le grand public. L’ONG se livre à une véritable course en mer, ponctuée parfois d’abordages assez violents avec les baleiniers. Pour elle, tous les moyens sont bons pour empêcher les navires de chasser les cétacés. Et des moyens, Sea Sheperd n’en manque pas. Treize navires dont un ultramoderne, des hélicoptères. Sea Shepherd voit les choses en grand. "L’Islande avait quatre bateaux baleiniers. Elle en a deux aujourd’hui. Les deux autres, Sea Sheperd les a coulés. Sea Shepherd a coulé une dizaine de bateaux, tous à quai, avec personne à bord. En Antarctique, la méthode était de traquer le bateau-usine. Le problème, c’est que là ils sont sur une surface de chasse beaucoup plus importante" explique Lamya Essemlali.
Drapeau noir, tête de mort, activisme militant. Sea Shepherd a de quoi impressionner, voire de quoi faire peur. "Il faut voir notre historique. En 40 ans, nous n’avons jamais blessé personne. Nous ne nous attaquons jamais aux actions légales. À un moment donné, quand on lutte contre le trafic de drogue ou d’armes, on ne se contente pas de signer des pétitions. Il s’agit de faire appliquer les lois. On a fait le choix de ne pas rester assis et protester vainement. On fait le choix d’intervenir pour protéger la vie. C’est pour cela que nous n’avons jamais blessé personne. Certains disent qu’on a de la chance. On peut avoir de la chance pendant six mois, pas pendant quarante ans" plaide la directrice de Sea Shepherd France.
Elle ajoute que quand on s’engage à Sea Shepherd, "on doit être prêt à risquer sa vie car on est face à des opposants qui peuvent aller très loin. Quand j’ai rencontré le capitaine Paul Watson [Le fondateur de l’ONG NDLR] en 2005, que je lui ai dit que ce combat m’inspirait, il m’a demandé si j’étais prête à risquer ma vie pour une baleine. Je n’en avais jamais vue, mais j’étais intimement convaincue que c’était le cas. J’ai eu le baptême du feu quelques mois après en Antarctique. Il y a différentes façon de s’engager, à terre également".
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