A l’aube de ses 50 ans, le chef étoilé d'Annecy-Le-Vieux a fait le pari de repartir d'une page blanche, de ne cuisiner que des produits locaux. Pour donner un sens citoyen à son métier.
Il a beau avoir grandi au-dessus de la boucherie-charcuterie de son père, Laurent Petit n'est pas devenu cuisinier par vocation : "J'étais créatif, je n'acceptais pas les ordres. Au début du collège j'étais en échec scolaire. C'était une orientation par défaut."
Deux rencontres changent la vie du jeune Laurent Petit. Celle d'un critique qui rachète le restaurant où il travaille, Nicolas de Rabaudy. Puis celle d'un chef, où son nouveau patron l'envoie en stage : Michel Guérard, triple étoilé à Eugénie-Les-Bains. "C'est un électrochoc. La cuisine peut attirer des gens du monde entier par le propos de l'assiette. C'est ça que je veux faire".
Des stages qui lui permettent de découvrir plein d'expressions culinaires, une première affaire, la rencontre de sa femme, l'installation sur les hauteurs du lac d'Annecy... La vie file. Et le succès est au rendez-vous : premier macaron au Guide Michelin en l'an 2000, second en 2007.
"J'ADORE VOUS EMMENER SUR DES PRODUITS QUI ONT ÉTÉ DES CAUCHEMARS DE CANTINES !"
"Mais à l'approche de mes cinquante ans, je fais le bilan. Et en fait je ne me sens pas bien dans ce costume déséquilibré. Je fais de la cuisine par procuration, dans les codes de la gastronomie".
Du jour au lendemain, Laurent Petit décide de tout changer. Il trace un rayon de deux cent kilomètres autour d'Annecy. Il décide de sortir de sa cuisine pour oser parler aux clients et apprendre à connaître les producteurs. Avec un choix capital : ne cuisiner que des produits locaux et des poissons des lacs alpins. Adieu la viande.
"Il a fallu convaincre mon épouse et mon équipe. Mais le résultat a été au-delà de mes espérances". Le chef raconte avec passion ses observations quotidiennes dans le jardin en permaculture du Clos des Sens. ses contacts avec le pêcheur du lac d'Annecy, le producteur de safran, près de Rumilly, ou le producteur de champignons de Chambéry.
Ses yeux pétillent quand il raconte le monde du végétal, qu'il observe à la loupe. "J'adore vous emmener sur des produits qui ont été des cauchemars de cantines ! L'endive, le choux... qui n'ont pas été interprétés comme il fallait"
"J'AI DIT AUX JEUNES DE CROIRE EN EUX-MÊME, DE SE LIBÉRER"
Un troisième macaron au Guide Michelin est venu couronner ce virage, début 2019. Une pression supplémentaire ? "Non !" répond Laurent Petit. "J'ai atteint l'âge de la maturité. Je suis heureux d'avoir relevé mon challenge personnel. La vie est trop belle !"
Un chef dont la devise tranche avec l'image d'une brigade menée à la baguette : "Il faut que ça rigole, en cuisine et en salle. Si chacun connaît son sujet par coeur, on peut lâcher les chevaux ! ". Après chaque reconnaissance, chaque étoile, il a fermé des services, pour offrir à la "famille" du Clos du Sens un vrai week-end, puis une pause dans la semaine.
Pour clore cette année de consécration, le Chef est retourné à l'école d'hôtellerie qui représentait l'échec scolaire de ses quatorze ans. "J'ai dit aux jeunes de croire en eux-mêmes, de se libérer. On est tous plus merveilleux qu'on ne le croit. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous êtes formidables".
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