Chaque année, c’est une institution. Chaque troisième jeudi du mois de novembre à minuit pile : la mise en perce du Beaujolais nouveau, le tout premier vin d’un millésime, celui issu des vendanges réalisées quelques semaines plus tôt. Cette année, c’était bien triste : pas de grandes fêtes sur la place Bellecour et dans le Vieux Lyon, ni dans les villages du Beaujolais. Tout avait été annulé en raison du confinement.
Même décision pour tous les événements prévus à l’export, dans les ambassades françaises à l’étranger par exemple. "C’est vraiment déstabilisant. D’habitude, il y a de la joie, il y a des sourires, on rencontre du monde, on trinque même. Les vignerons ont mis en place des nouveautés, pour livrer les clients. Certains ont très bien tiré leur épingle du jeu puis d’autres beaucoup moins. C’est une année très inégale", explique président de l’Interbeaujolais Dominique Piron.
Au-delà de l’économie viticole, c’est tout un territoire autour de Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, qui pâtit de la situation. "Le Beaujolais Nouveau est lié à l’évenementiel. Il a perdu depuis le début du confinement cette présence sur les salons. Il y a une perte pour le Beaujolais nouveau pas simplement en termes de consommation mais aussi en termes de moments", selon Bernard Perrut, surnommé le "député du Beaujolais" à l’Assemblée nationale. À la place de la traditionnelle soirée du Beaujolais nouveau qu’il organise chaque année dans les salons de l’Assemblée nationale depuis 23 ans, le député a proposé au ministre de l’Agriculture une dégustation… en visio-conférence.
Joris Fistolet, caviste dans le 6è arrondissement de Lyon, resté ouvert pendant tout le confinement – car les cavistes font partie des commerces considérés comme essentiels, a déjà écoulé en une semaine 80 % de son stock de Beaujolais nouveau, signe que les consommateurs étaient tout de même au rendez-vous. "Il y avait un réel intérêt cette année malgré la situation. Les gens ont envie de célébrer ça. Ça fait partie du folklore et de la tradition. Ça me fait surtout de la peine pour les vignerons du Beaujolais, ils font beaucoup de travail pour produire du vin de qualité", explique-t-il.
Du côté de la Champagne, comme pour le Beaujolais nouveau, les producteurs s’attendent à une baisse des ventes de l’ordre de 25 % pour cette année. 2020 sera une "annus horribilis" pour le vin, selon l’expression utilisée par Vincent Leglantier, viticulteur à Cézanne, à 80 km au Sud de Reims. Il est également secrétaire général de l’association nationale des élus de la vigne et du vin. "Pendant la première période de confinement on était à -56% puisque le champagne, c’est le vin qu’on boit quand tout va bien. Les Français se sont réfugiés dans d’autres vins. Ça s’explique par la fermeture des restaurants, des boîtes de nuits", affirme-t-il.
Finalement, le coronavirus a surtout provoqué, au-delà d’une baisse des ventes de vin, un changement dans les habitudes de consommation. "Le confinement au printemps a été plutôt favorable au Beaujolais. La récolte 2020 a été petite. Ce qui s’est pas vendu ces jours trouvera des clients au printemps donc on n’est pas très inquièts", assure Dominique Piron, de l’Interbeaujolais. Pas trop d’inquiétude donc, surtout que l’élection de Joe Biden aux Etats-Unis pourrait rebattre les cartes pour les taxes sur le vin français.
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