Depuis le 22 avril, Caroline Brandicourt, atteinte d’une maladie neurodégénérative, se rend en vélo dans les départements où les soins palliatifs sont peu ou pas développés. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de son passage dans la Manche la semaine dernière.
Elle qui a toujours aimé l’aventure, s’est lancée un défi un peu de fou, celui de parcourir 1 000 kilomètres à vélo sur un tricycle. Caroline Brandicourt est atteinte d’une maladie neurodégénérative depuis quelques années. Son intérêt pour les soins palliatifs a commencé en septembre 2021, alors qu’elle faisait une cure de répit avec des personnes atteintes notamment de la maladie de Charcot. « Avant d’y aller, ça m’inquiétait beaucoup, et en réalité j’ai découvert que c’était un lieu de vie, on riait beaucoup. J’ai réalisé que malgré le handicap on pouvait profiter à 100 % de la vie. Bien sûr ce n’est pas le même 100 % mais on est heureux de vivre ce qu’on a à vivre. »
Elle reste notamment admirative des soignants, de leurs multiples attentions et délicatesses envers des patients qui ne peuvent plus s'exprimer. Celle qui est aussi l’une des porte-parole du collectif Soulager mais pas tuer a souhaité partager cette expérience, en traversant la France à vélo. Caroline parcourt une dizaine de kilomètres par jour et propose aux habitants de la rejoindre. Des stands sont également installés dans les villes-étapes pour susciter les échanges.
En 2021, quand Caroline Brandicourt construit son parcours, elle marque d’une croix les 21 départements qui sont dépourvus d’unité de soins palliatifs. C’était notamment le cas de la Manche avant l’ouverture de celle de Granville en septembre 2021.
Elle et ses deux coéquipiers ont donc sillonné du mardi 16 au samedi 20 mai les routes du département à la rencontre des habitants et des soignants de la Manche, en passant par Avranches, Granville, Coutances et Saint-Lô. Parmi les rencontres manchoises, Caroline a été marquée par une jeune fille d’Avranches. « Elle travaillait comme aide-soignante et était vraiment étonnée de ne pas savoir ce qu’étaient les soins palliatifs. Elle était heureuse de découvrir que ça existait, car elle-même travaille dans un Ehpad et aime beaucoup prendre soin des patients, prendre du temps avec eux. »
Lors de son périple, Caroline insiste sur l’importance des unités de soins palliatifs qu’elle différencie des lits identifiés de soins palliatifs. Elle y voit la même différence qu’il peut y avoir « entre une baignoire à bulles et un spa. Si les lits sont une bonne chose, ils ne sont pas suffisants. Dans une unité tout est construit autour de la personne : l’architecture, la disposition des lieux, l’emploi du temps. Il y a cette souplesse, cette adaptabilité, avec un personnel plus nombreux qui part du malade et qui sait quoi faire pour l’aider. »
Je ne veux plus entendre : "Ou souffrir ou mourir". C'est faux, il y a une troisième voie.
Caroline regrette qu’il y ait un écart si grand entre le nombre de personnes qui pourraient être apaisées par les soins palliatifs et le nombre de celles qui peuvent vraiment en bénéficier.
Au-delà de sensibiliser à l’importance des soins palliatifs, Caroline souhaite également changer le regard des autres sur la vie avec un handicap, elle qui fait partie du collectif 100 % vivants. « J’ai découvert que la dépendance est un moyen d’avoir des rencontres, des relations extrêmement fortes avec les autres. »
Elle reprend le message de Philippe Pozzo di Borgo qui a inspiré le film Intouchables : « Il existe devant le handicap trois étapes essentielles, le deuil de ce qu’on ne peut plus faire, ensuite l’acceptation douloureuse, et ensuite l’adaptation. Quand quelqu’un se projette en se disant : " Je ne veux pas vivre comme ça ", il n’a pas conscience de ces trois étapes. La dépendance ce n’est pas facile, mais il y a aussi quelque chose de très beau à vivre, si je suis dépendante pour certains actes c’est aussi une grande richesse de relations que je découvre, les autres sont heureux de m’aider. »
Après son passage dans la Manche, Caroline était à Paris ce mardi 23 mai, espérant rencontrer une personne du ministère de la Santé, mais celui-ci n'a pas répondu à sa sollicitation. « Je suis très inquiète de la future loi sur la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Je pense que ce sont les plus fragiles qui en souffriraient. Je vois mal comment l’État français pourrait mener conjointement une politique de soins palliatifs et une politique de suicide assisté ou d’euthanasie. Dans la période de crise actuelle de la santé où il n’y a pas assez de lit, pas assez de personnel, les personnes seules et personnes faibles pourraient être poussées vers la sortie. » Caroline Brandicourt continuera de sillonner la France jusqu’au 17 juin.
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