Paris
À 19h45, ce samedi 7 décembre le président Emmanuel Macron a prononcé un discours en l'honneur de la réouverture de Notre-Dame de Paris. Initialement prévu sur le parvis, le discours a finalement eu lieu à l'intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Paris à cause des conditions météorologiques défavorables dû à la tempête Darragh. Les présidents ne sont pas autorisés à exprimer de discours politique au sein d'un lieu religieux. Reste à définir si le discours de Macron l'était.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a pris la parole pendant une dizaine de minutes ce samedi 7 décembre pour la réouverture de Notre Dame de Paris. Il s'est exprimé devant une assemblée de prélats français et américains, ainsi que de plusieurs chefs d'État africains, européens et américains dont Donald Trump mais aussi de plusieurs têtes couronnées comme le roi Philippe de Belgique, le prince William de Galles ou encore Albert II de Monaco. Le président a évoqué l'Histoire de France, remercié les mécènes du monde entier, félicité les artisans, et enfin rendu la cathédrale Notre-Dame à son évêque Mgr Laurent Ulrich. Voici l'intégralité du discours d'Emmanuel Macron.
Je me tiens devant vous, avant que ne commence la liturgie, pour vous dire la gratitude de la Nation
française.
Gratitude à l’égard de tous ceux qui ont sauvé, aidé et rebâti Notre-Dame de Paris. Gratitude à l’égard
de tous ceux qui sont présents, au moment où nous nous apprêtons à la rendre aux catholiques, à Paris,
à la France et au monde entier.
Oui, ce soir, les cloches de Notre-Dame sonnent à nouveau et l’orgue dans un instant s’éveillera.
Musiques d’espérance, familières aux Parisiens, à la France et au monde.
Les cloches de Notre-Dame sonnent à nouveau, qui ont scandé les heures du jour, et celles de l’histoire.
Elles sonnent, comme elles ont sonné pour les onze rois qui ont vu s’élever la cathédrale.
Pour saint Louis rapportant d’Orient la Couronne d’épines.
Pour Henri IV pansant la blessure des guerres de Religion.
Pour le voeu de Louis XIII et les victoires de Louis XIV.
Pour Napoléon se sacrant lui-même, un matin de décembre 1804.
Pour Victor Hugo, déambulant, rêveur, cherchant les yeux levés l’ombre de Quasimodo.
Pour Claudel, ployé au pied d’un pilier, revenu à l’espérance, un soir de décembre 1886.
Pour annoncer aux résistants de Paris l’arrivée du général Leclerc et des siens, puis pour célébrer la
libération aux côtés du général De Gaulle.
Pour les adieux de la France à ses génies, à ses soldats, à ses grands hommes.
Oui, elles sonnent, elles qui ont accompagné notre histoire.
Pourtant, nous aurions pu ne jamais réentendre cette voix.
Le 15 avril 2019, la nouvelle de l’incendie a couru de lèvres en lèvres.
Les images de flammes dévorant le transept, la fumée noire.
La flèche qui vacille puis s’effondre, dans un fracas d’ossement.
Et ces heures de combat face au feu, la décision de lui laisser sa part, et ces minutes désespérées où tout
pouvait partir, où la pierre, le bois, les vitraux auraient pu disparaître.
Durant ces heures, il s’est trouvé des étudiants descendus de la montagne Sainte-Geneviève, pour
entonner des chants.
Les promeneurs à Timesquare pour s’arrêter, en larmes, devant les premières images.
Et de Rome à Moscou, des croyants de partout venus se réunir devant nos ambassades.
Des chameliers au long du Niger descendus de leurs bêtes pour prier, dans leur religion, pour Notre-
Dame.
Ce soir-là, heur et malheur étaient mêlés.
L’enchaînement de malchance, le vent d’est qui s’est levé, au pire moment, poussant les flammes vers
le beffroi nord.
Et l’enchaînement de coïncidences, aussi, que certains appelleront hasard, d’autres destin, d’autres
providence.
Il y eut surtout de la bravoure.
Celle de ces sapeurs-pompiers, et de leurs chefs, envoyés pour une dernière tentative, plus dangereuse
encore que les autres.
Ces hommes, escaladant la façade, plongeant dans le feu afin d’empêcher les seize cloches de tomber,
et avec elles toute la cathédrale.
À 22h47 a retenti ce message : nous sommes maîtres du feu.
Nos pompiers reprenaient l’avantage. Et il n’y eut, cette nuit-là, aucun mort.
Vers minuit, nous avons ouvert le grand portail.
La flèche n’était plus. Le transept effondré. Le plomb continuait de couler partout, par flammèches.
L’eau. Une odeur âcre, la croix et la pieta, qui apparaissaient dans un éclat singulier.
Et la Vierge au pilier, intacte, immaculée, à quelques centimètres à peine de la flèche tombée.
Notre-Dame de Paris était sauvée ; défigurée, mais sauvée par la bravoure, le courage de ces hommes.
Alors commencèrent ces minutes où tout pouvait vaciller. Tristesse et désespoir devant un tel drame,
incertitude et désolation de ne jamais revoir la cathédrale comme avant.
Vertige de découvrir que Notre-Dame de Paris pouvait disparaître, et que nos cathédrales aussi sont
mortelles.
Alors nous avons choisi le sursaut, la volonté, le cap de l’espérance.
Nous avons décidé de rebâtir Notre-Dame de Paris plus belle encore, en cinq années.
Le sursaut, la volonté.
Et pour rendre cela possible, une fraternité inédite.
Fraternité de ceux qui ont donné sur tous les continents, de toutes les religions, de toutes les fortunes.
Unis par l’espérance, et réunis dans ces murs.
Fraternité des compagnons, apprentis, et de tous les métiers, ici réunis.
Sous la conduite du général Georgelin, pour qui j’ai ce soir une pensée émue, puis de Philippe Jost et de
leurs équipes.
Fraternité des échafaudeurs, des grutiers, cordistes, électriciens, forestiers, scieurs, équarisseurs,
charpentiers et taillandiers. Et puis les menuisiers d’art, parqueteurs, couvreurs, fondeurs, ferronniers
d’art, serruriers, dinandiers, patineurs, lustriers, artisans de la pierre et maçons, tailleurs, carriers,
sculpteurs, restaurateurs de sculptures et de peintures, maitres-verriers, facteurs d’orgues et campanistes,
archéologues, ingénieurs, chercheurs, historiens, conservateurs, régisseurs d’art, architectes et tant de
métiers encore.
Oui, ces femmes et ces hommes, plus de 2000 durant cinq ans, se sont inscrits dans la chaîne de ceux
qui, depuis le XIIIe siècle, ont bâti la cathédrale.
Reconstruisant la forêt de Notre-Dame, cette charpente de 2000 chênes, puis la flèche à l’identique, et
ranimant les pierres et les peintures, redécouvrant cette blondeur.
Ils ont montré que nous avions la volonté encore de bâtir de grands desseins, et de continuer la légende
des siècles.
Durant cinq années ici, chaque femme, chaque homme fut nécessaire pour rebâtir, chaque aide même
du bout du monde fut nécessaire pour tenir, chaque geste fut nécessaire, réconciliant la grandeur de cette
cathédrale et l’exigence de tous ces métiers.
Nous avons redécouvert ce que les grandes Nations pouvaient faire : réaliser l’impossible.
Cette cathédrale fut ainsi la métaphore heureuse de ce qu’est une Nation, et ce que devrait être le monde.
Fraternité d’un peuple déterminé à faire de grands choix ; fraternité universelle et entraide.
Notre-Dame nous dit que nos rêves, même les plus audacieux, ne sont possibles que par la volonté de
chacun, et l’engagement de tous.
Notre cathédrale nous rappelle que nous sommes les héritiers d’un passé plus grand que nous, qui peut
chaque jour disparaître, et les acteurs d’une époque que nous avons à transmettre.
Notre cathédrale nous dit combien le sens, la transcendance, nous aident à vivre dans ce monde.
Transmettre, et espérer.
Tel est le sens de ce travail, et de notre présence ce soir.
Nous nous inscrivons à notre tour dans ce cortège de bâtisseurs, nous révélant à nous-mêmes face à
l’adversité.
Les cloches vont sonner, l’orgue va s’éveiller, les fidèles bientôt viendront prier.
Le monde retrouvera la cathédrale rebâtie et embellie.
Et nous, il nous faudra garder comme un trésor cette leçon de fragilité, d’humilité et de volonté, et
n’oublier jamais combien chacun compte, et combien la grandeur de cette cathédrale est inséparable du
travail de tous.
Ce soir, ensemble, nous pouvons partager la joie et la fierté.
Monseigneur, notre Dame de Paris vous est redonnée.
Ensemble, vous avez rendu cela possible.
Soyez-en remerciés.
Vivre Notre-Dame de Paris.
Vive la République.
Vive la France.
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