Le film de la semaine : la comédie "Trois amies", signée Emmanuel Mouret

Emmanuel Mouret a longtemps joué dans ses propres films, il y interprétait souvent le rôle de l’amoureux un peu gauche, maladroit, indécis. Mais depuis 2018, avec Mademoiselle de Jonquières, et Cécile de France dans le rôle-titre, il a choisi de confier tous ses personnages à des acteurs et à des actrices et a alors connu ses premiers vrais succès publics, dont les deux plus récents : Chronique d’une liaison passagère et Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait.

Le sentiment amoureux comme thème de prédilection

Et une fois encore, l'amour est au cœur de son intrigue. Les « Trois amies » sont Joan, Alice et Rebecca, aux tempéraments très éloignés, mais liées par une solide amitié et des trajectoires sentimentales qui vont se croiser. Joan souffre de ne plus être amoureuse de Victor, Alice la rassure en lui vantant les bienfaits de l’amour-raison qu’elle voue à Eric, plus pérenne selon elle que la passion, tandis que Rebecca, plus fantasque, entretient une relation secrète avec le mari de son amie.

Tout cela ressemble finalement à du marivaudage assez classique

On pense à juste titre à du Rohmer ou à du Woody Allen. Mais Mouret est en train de constituer une œuvre bien à lui, tout à fait unique, et d’une grande cohérence formelle. Il y a dans son cinéma un goût désuet de la langue française, des dialogues d’une extraordinaire précision, une grande fluidité des déplacements, un peu comme une chorégraphie des corps, qui resonnerait au diapason des cœurs. Dans une des premières scènes, où Joan annonce à Victor qu’elle ne l’aime plus, les deux apparaissent et disparaissent derrière des murs et des portes, à chaque réplique.

La musique – du piano en l’occurrence - est choisie avec beaucoup de soin, chez Bach, Mozart, ou Beethoven. Et en génial chef d’orchestre - ou grand horloger- des sentiments humains, Mouret ajoute cette fois-ci, une touche de drame. Un deuil va ouvrir le film à une nouvelle dimension, à la fois poétique et surnaturelle.

On est donc loin ici de la vie réelle et de son agitation. Il y a chez ce réalisateur beaucoup de douceur, de bienveillance, de mansuétude qu’on retrouve à l’écran. II n’y a jamais ni cris ni reproches et son univers esthétique est chaud et coloré. 

La ville de Lyon, où les trois amies sont enseignantes, est un personnage à part entière du film. 

Les amateurs reconnaitront bien les quais de Saône, le musée gallo-romain, le cinéma Comoedia où Alice et Eric vont voir des vieux films pour rire et pleurer ensemble. 
Loin de se faire l’apôtre de l’inconstance des hommes (et des femmes !), il y a dans ces variations sur l’amour, la quête d’un absolu qui est moteur de vie. Aucun destin n’est tracé, et le scénario s’amuse à emprunter des déviations inattendues. Et c’est finalement libéré des contingences terrestres que Victor trouvera l’amour vrai, libre et gratuit.

Le film s’intitule « Trois amies » c’est une comédie moderne ‘galante’ signée Emmanuel Mouret. Et si le cœur vous en dit, la plateforme arte.tv rediffuse actuellement un cycle de 5 autres longs-métrages du réalisateur.