Le professeur Sadek Beloucif est chef du service d’anesthésie-réanimation à l’Hôpital Avicenne de Bobigny. Aussi membre du Forum de l’islam de France, et ancien membre du Comité national d'éthique, il apporte son éclairage et celui de la religion musulmane sur le projet de loi sur la fin de vie.
Le 16 mai au soir, les députés français ont approuvé le principe de la légalisation de l’aide à mourir et ont également supprimé la condition d’un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Dans ce contexte d’évolution du projet de loi sur la fin de vie, Sedek Beloucif exprime ses regrets d'un projet trop politisé, qui bénéfice d'une méconnaissance de la population sur les alternatives déjà existante pouvant accompagner dans la dignité la fin de vie.
Sadek Beloucif concilie des accroches multiples : “ Je suis musulman et médecin, je me conforme à la loi de Dieu, mais je suis avant tout républicain, je respecte la loi républicaine de mon pays et j’ai une obligation de neutralité par rapport aux soins que je fais sur mes patients, en France république laïque et social, ce prérequis est nécessaire."
Pour Sadek Beloucif, “si les médecins musulmans s’inscrivent en France contre ce projet de loi, c’est parce qu’ils pensent qu’il est mauvais pour tout le monde, croyant ou non.”
Le professeur constate : “ En France, si on posait la question, préfére- vous mourir dans d’atroces souffrances ou euthanasié ? 80 % choisirait la seconde option”. Il considère que “c’est une mauvaise réponse à une question mal posée”. Selon lui, le projet de loi s’inscrit dans une méconnaissance de la population sur ces sujets "80 % des français ne connaissent pas l’état actuel de la loi, ne savent pas qu’il y a des mécanismes extrêmement puissants pour soulager la douleur".
Selon le professeur, “La loi Léonetti répond à 98 ou 99 % des cas qui sont vus par les médecins".
La loi Léonetti en vigueur depuis 2005 ouvre, à toute personne majeure, la possibilité de rédiger, à tout moment, un document écrit, dénommé directive anticipée. Elle dispose, en outre, que les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autres effets que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant des soins palliatifs.
Il poursuit, "dans les cas infimes qui restent, à bout de toutes ressources thérapeutique et de traitement de la douleur, il reste la sédation continue maintenue jusqu’au décès”. Pour lui, la mise en place d’une sédation est la solution lorsqu’un patient souffre de douleur trop insupportable : “le médecin reconnaît que la maladie est la plus forte, il va donc mettre des antalgiques, endormir et sédater le patient et la mort viendra par la maladie.”
Sadek Beloucif constate un consensus entre sa vision de ces dispositifs et les propos du Pape François :
Lorsqu’on donne des traitements qui sont zélés, ça n'est pas l’euthanasie, c’est simplement reconnaître qu’il est manifeste que l'opposition à la mort est inutile
Sadek Beloucif, questionne notre rapport à la législation sur le suicide en France. Ce projet de loi s’inscrit dans une “dichotomie schizophrénique d’un côté, on fait le maximum pour pouvoir éviter et prévenir les suicides, et de l’autre, on aide activement le suicide”, selon le professeur. Il estime que l’on différencie “un droit qui donne une liberté supplémentaire et n’enlève rien aux autres, comme le mariage pour tous”, et un droit créance "le droit du patient de demander la mort entraîne un nouveau devoir pour le médecin : le devoir de répondre à ce droit”. Le professeur pointe du doigt le risque que les médecins puissent être incriminés s’ils ne répondent pas aux demandes des patients : “cette clause de conscience est actuellement dans les débats à l’Assemblée.”
Si on instille dans la tête des docteurs qu’il y a des vies qui sont plus ou moins dignes d'être vécues, on entre dans une toute autre histoire
Les croyances religieuses de Sadek Belouci participent à sa réflexion sur l'aide à mourir : “La foi des musulmans donne une importance extrêmement grande à l’attention, un acte ne vaut que pour ses intentions". Il cite un hadith du prophète Mahomet : “Tu es venu pour me demander ce qu'est le bien, oui, lui répondis, le prophète dit : le bien, c’est ce qui met ton âme en paix, le mal au contraire, c’est ce qui revient sans cesse à ton esprit même si les gens que tu consultes à ce sujet t’autorisent à le faire”. Pour lui : “Une vie vaut une vie, on doit avoir un dialogue au cas par cas, car chaque vie est singulière, chaque vie est précieuse".
Une vie vaut une vie, on doit avoir un dialogue au cas par cas, car chaque vie est singulière, chaque vie est précieuse
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